mardi 21 avril 2020

Tristesses, IV, 5

Pour éviter de le compromettre, Ovide ne voulait pas que le destinataire de cette élégie soit reconnu. Eh bien, c'est raté ! Il s'agit de Marcus Valérius Maximus Cotta, fils de Marcus Valérius Messalla Corvinus, protecteur des lettres en général et d'Ovide en particulier. Et général ayant connu les honneurs du triomphe...

« Triomphe de Corvinus » sur le fronton du palais de Krasinski à Varsovie

                              

O, toi qui m’es cher entre les amis qui me sont chers,
     En qui mon malheur a trouvé son seul refuge,
Dont les consolations ont sauvé mon âme expirante
     Comme on ranime une veilleuse avec de l’huile,
Toi qui n’as pas craint d’ouvrir un port sûr et abrité
     A mon bateau qui avait été foudroyé,
Toi dont l’argent m’aurait fait oublier mon indigence
     Si César m’avait confisqué mon patrimoine…
Emporté par mon ardeur, j’oubliais ma situation :
     Hélas ! j’ai failli laisser échapper ton nom. 10
Mais tu te reconnais et, pour en tirer de la gloire,
     « C’est moi ! », voudrais-tu t’écrier publiquement.
Oui, j’aimerais, si tu y consentais, te rendre hommage
     Et célébrer une fidélité si rare.
Mais j’ai peur de te nuire avec mes vers reconnaissants,
     De te gêner en te louant hors de saison.
Réjouis-toi plutôt intérieurement – c’est sans risque :
     Je pense encore à toi, tu m’es resté fidèle.
Et continue à souquer ferme pour me secourir,
     Jusqu’à ce qu’Auguste apaisé, le vent retombe. 20
Protège une tête que nul ne peut sauver, hormis
     Celui qui l’a plongée dans les ondes du Styx.
Remplis tous les devoirs d’une indéfectible amitié
     Sans te lasser – la chose est rare – et qu’à ce prix
Ta fortune connaisse une prospérité durable ;
     Secours les tiens sans appeler toi-même à l’aide.
Que la bonté de ta femme égale à jamais la tienne,
     Et que la dispute épargne votre foyer.
Que ton frère, toujours, te porte la même affection
     Que Pollux a portée pieusement à Castor ; 30
Que ton jeune fils te ressemble et que l’on reconnaisse
     A son genre de vie qu’il est fils de son père ;
Que ta fille trouve un mari et te fasse beau-père,
     Et que, sans être vieux, tu sois nommé grand-père.

Aucun commentaire: