Ovide est malade...
Ovide voudrait être ailleurs...
Il n'est pas le seul. Courage !...
Médée sur son char
Que ne suis-je maintenant sur le char de Triptolème,
Qui, le premier, ensemença la terre inculte ;
Que n’ai-je en main les rênes des dragons avec lesquels
Médée s’enfuit de ta citadelle, Corinthe ;
Que ne puis-je maintenant, prendre et agiter des ailes,
Soit les tiennes, Persée, soit, Dédale, les tiennes,
Pour fendre en volant l’air léger et voir soudain le sol
De ma douce patrie, les traits de la maison
Que j’ai dû abandonner, mes fidèles compagnons
Et, plus que tout, le cher visage de ma femme.
Idiot, à quoi bon ces souhaits – ils sont vains –, ces voeux puérils
Jamais réalisés, ni hier, ni aujourd’hui,
Ni demain. En fait de voeu, supplie le divin Auguste,
Prie religieusement le dieu qui t’a frappé :
C’est lui qui peut te fournir un char volant et des ailes :
Qu’il te laisse rentrer, et te voici oiseau.
Je crains qu’en formulant ce voeu, je n’en demande trop ;
Je ne peux, en effet, rien demander de mieux.
Peut-être un jour, quand sa colère se sera calmée,
Pourrai-je, tout tremblant, le formuler encore. 20
En attendant, maigre faveur mais qui pour moi n’a pas
De prix, qu’il me transfère où il veut hors d’ici.
Ni le ciel, ni la terre, ni l’eau, ni l’air ne me vont ;
Je suis, hélas, entré pour toujours en langueur.
Mon corps est-il contaminé par mon esprit malade
Ou bien mon mal provient-il de cette région ?
Depuis que j’ai atteint le Pont, l’insomnie me tourmente,
J’ai la peau sur les os, pas un plat ne me plaît.
La couleur qu’en automne, au premier coup de froid, on voit
Aux feuilles quand l’hiver nouveau les a meurtries, 30
C’est la couleur que l’on me voit ; mes forces m’abandonnent
Et j’ai toujours à me plaindre d’une douleur.
Ma tête ne va pas mieux que mon corps : ils sont tous deux
Tout aussi mal en point, et c’est double souffrance.
Devant mes yeux se tient fixée comme l’incarnation
De ma fortune : quand je vois ce pays, les moeurs
Des habitants, leurs tenues, leur jargon, et que je pense
A qui je suis, à qui j’étais, j’ai tellement
Envie de mourir que j’en veux à César en colère
De ne pas venger ses offenses par l’épée. 40
Mais puisqu’il a déjà une fois modéré sa haine,
Qu’il allège ma peine en m’exilant ailleurs.
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