samedi 4 avril 2020

Tristesses, III, 2

Gros coup de blues, ce soir, pour notre ami Naso...
Vite, venez lui remonter le moral !



J’avais donc pour destinée de voir aussi la Scythie
     Et la région qui s’étend sous le Grand Chariot !
Ni toi, fils de Latone, ni vous, doctes soeurs Piérides,
     N’avez porté secours à votre desservant.
J’étais plus sérieux que ma Muse et j’ai badiné en
     Toute innocence, avec le profit que l’on sait :
J’ai couru mille dangers, sur mer, sur terre, et je suis
     Consigné dans le Pont, que brûle un froid tenace.
Né pour le doux loisir, ennemi du tracas, j’étais
     Un délicat qui ne supportait rien, avant ; 10
Maintenant, j’endure tout : pas plus une mer sans port
     Qu’une route écartée n’ont pu causer ma perte.
Mon âme a fait front à mes maux et m’a donné la force
     De supporter ce qui est presque insupportable.
Tant que je courais des dangers, cahoté, ballotté,
     L’épreuve distrayait soucis et anxiété.
Mais ma route est achevée, mon voyage terminé
     Et j’ai atteint la terre où je purge ma peine ;
Je ne me plais qu’aux pleurs et il s’écoule de mes yeux
     Plus de pluie qu’il y a d’eau à la fonte des neiges. 20
Je pense à Rome, à ma maison, aux lieux que je regrette,
     A ce que j’ai laissé quand j’ai quitté la Ville.
Hélas ! J’ai souvent frappé à la porte du tombeau ;
     Pas une fois elle ne s’est ouverte. Pourquoi
Tant d’épées évitées, tant de tempêtes menaçantes
     Et qui jamais n’ont submergé ma pauvre tête ?
Dieux, qui vous révélez trop invariablement hostiles,
     Qui faites vôtre la colère d’un seul dieu,
Hâtez, de grâce, un destin qui s’attarde, et refusez
     Que les portes de mon trépas restent fermées.

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