Celui-ci emploie tous les ressort de la persuasion, combinés avec les exemples mythologiques idoines, pour le ramener vers lui. Y parviendra-t-il ?...
Automédon ramenant les coursiers d'Achille des bords du Scamandre
Henri Regnault, 1868, musée d'Orsay
Toi aussi qui, jadis, avais toute ma confiance,
Qui étais mon refuge et qui étais mon port,
Tu délaisses, toi aussi, l’ami que tu soutenais ?
De ton devoir sacré, tu t’affranchis si vite ?
Oui, je suis un fardeau ; mais pourquoi t’en être chargé
Si tu dois le poser lorsque j’ai du malheur ?
Quittes-tu le navire au milieu des flots, Palinure ?
Non ! Reste et sois aussi loyal que bon pilote.
Le fidèle Automédon fut-il désinvolte au point
D’abandonner le char d’Achille en plein combat ? 10
Podalire a toujours prodigué les soins de son art
Une fois qu’il avait pris en charge un malade.
Chasser un hôte est plus honteux que ne pas l’accueillir ;
Que la main qui supplie trouve un autel solide.
Tu n’eus d’abord à protéger que moi ; mais maintenant,
Tu dois en outre soutenir ta décision,
Si je n’ai pas commis une autre faute et si mon crime
Ne m’a pas soudain privé de ta confiance.
Puissé-je rendre mon dernier soupir, moi qui respire
Avec peine l’air de Scythie, plutôt que de 20
Voir ton coeur se serrer à cause de mon inconduite
Et de te sembler méprisable avec raison.
Mon injuste destin ne m’a pas accablé au point
Que j’aie l’esprit dérangé par tant de malheurs.
Supposons pourtant qu’il le soit ; dis-moi combien de fois
Le fils d’Agamemnon a injurié Pylade ;
On est même presque sûr qu’il a frappé son ami,
Lequel ne lui a pas pour autant fait défaut.
Les malheureux et les heureux ont un seul point commun :
On les traite chacun avec autant d’égards : 30
On fait place à l’aveugle et à ceux que font respecter
Bande pourpre, baguette et ordres des licteurs.
Si tu ne m’épargnes pas, épargne mon infortune ;
Personne n’a de quoi s’irriter contre moi.
Choisis le plus petit des plus petits de mes malheurs ;
Il sera supérieur à ce dont tu te plains.
On compte autant de roseaux dans des fossés remplis d’eau,
On compte sur l’Hybla fleuri autant d’abeilles,
On compte autant de fourmis portant dans leurs souterrains,
Par un étroit sentier, les graines qu’elles trouvent 40
Qu’il y a de malheurs serrés autour de moi. Crois-moi,
Lorsque je me plains, j’atténue la vérité.
Si ce n’est pas assez, versons du sable sur la plage,
Du blé dans la moisson, de l’eau dans l’Océan.
Veille donc à contenir ta colère intempestive
Et n’abandonne pas ma voile en pleine mer.
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