Voici comment Ovide s'en sort...
Sicile / Monts Hybléens
Ton cher Naso t’envoie de chez les Gètes son « Bonjour »,
Lui qui pourtant n’en connaît plus que de mauvais.
C’est que mon corps malade a contaminé mon esprit
Pour qu’en moi rien ne puisse échapper au tourment.
Voilà longtemps que j’ai au côté d’atroces brûlures
Dues à l’horrible froid de l’implacable hiver.
Si, pourtant, tu vas bien, un peu de moi ne va pas mal,
Puisque tu m’as prêté main forte dans ma ruine.
Pourquoi donc, toi qui m’as donné tant de gages, toi qui
Te mets en quatre pour moi, t’es-tu mis en tort 10
En m’écrivant si peu de lettres pour me consoler ?
Pourquoi bien te conduire et garder le silence ?
Corrige, s’il te plaît, cet unique défaut ; sur quoi,
Plus rien n’entachera ta distinguée personne.
J’irais plus loin dans mes accusations, mais il se peut
Qu’une lettre partie ne soit pas arrivée.
Fassent les dieux que je me plaigne à la légère
Et que j’aie tort de penser que tu me négliges.
Mon voeu, c’est sûr, est exaucé, et je n’ai pas le droit
De croire que ton coeur, si constant, ait changé. 20
Que disparaisse de l’Euxin glacé la blanche absinthe
Et le thym parfumé de l’Hybla de Sicile
Avant qu’on n’établisse que tu oublies ton ami ;
Le fil de mon destin n’est pas noir à ce point.
Et pour pouvoir aussi repousser une accusation
Mensongère, montre-toi bien tel que tu es.
Tout comme nous passions de longs moments à converser
Jusqu’à ce que la nuit tombante y mette un terme,
Echangeons maintenant des lettres sans nous dire un mot :
Le papier et la main nous tiendront lieu de langue. 30
Et pour ne pas trop sembler douter qu’on ne réussisse,
Je n’irai pas plus loin dans mon incitation.
Agrée la formule de salutation consacrée,
Qui t’épargnera mon destin : « Porte-toi bien ! »
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