Eh ! oui. C'est aujourd'hui son anniversaire.
Quel âge a-t-elle ? L'histoire ne le dit pas, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle vivra autant que durera la gloire de son époux. Un peu de malheur contre beaucoup de notoriété. Elle gagne au change, non ?...
Etéocle et Polynice
L’anniversaire de ma femme exige les honneurs
Habituels. Mes mains, accomplissez le rite !
C’est ainsi que jadis Ulysse a célébré, qui sait,
L’anniversaire de la sienne au bout du monde.
Que ma bouche oublie mes malheurs et garde le silence,
Car elle a désappris la langue du bonheur.
Revêtons l’habit que je vêts une fois l’an et dont
La couleur blanche jure avec ma destinée ;
Elevons un autel avec des mottes de gazon,
Couronnons le foyer attiédi de guirlandes ! 10
Esclave, donne-moi l’encens, qui épaissit la flamme,
Et le vin, qui fait grésiller le feu sacré.
Même si je suis loin, viens ici, je t’en prie, heureux
Anniversaire, plus brillant que n’est le mien.
Si un déplorable sort menaçait aussi ma femme,
Que mes malheurs l’en acquittent à tout jamais.
Son bateau vient d’essuyer une terrible tempête ;
Qu’il aille, désormais, par une mer tranquille.
Que sa maison, sa fille, sa patrie fassent sa joie ;
Il suffit que moi seul en aie été privé. 20
Puisque son cher époux n’a pas pu faire son bonheur,
Qu’à l’avenir, aucun nuage ne l’attriste.
Qu’elle vive, aime son mari absent – tel est son lot –,
Et achève ses ans aussi tard que possible.
J’y ajouterais les miens, mais je crains que le contact
De mon destin ne corrompe le cours des siens.
L’homme n’est sûr de rien : qui aurait cru que je pourrais
Célébrer cette fête au beau milieu des Gètes ?
Mais regarde comme la brise emporte, heureux présage,
La fumée qui naît de l’encens vers l’Italie ! 30
Les nuages sortant du feu auraient-ils du bon sens ?
S’ils fuient ton ciel, Euxin, ce n’est pas sans raison ;
Ainsi monta une noire fumée de l’autel où
Etait offert à Etéocle et Polynice
Un même sacrifice ; elle se scinda – sur leur ordre ? –
En deux colonnes ennemies l’une de l’autre.
Jadis, je m’en souviens, je disais la chose impossible :
Selon mon jugement, Callimaque avait tort.
Aujourd’hui, je crois tout puisqu’une vapeur avisée
Tourne le dos au pôle et gagne l’Italie. 40
Si donc ce jour ne s’était pas levé, jamais, pauvre
De moi, je ne devais revoir un jour de fête.
Il est encore porteur des qualités héroïques
Que l’on trouve chez Pénélope ou Andromaque :
Sont nées ce jour-là pudeur, fidélité, probité,
Moralité, mais pas les joies, plutôt les peines,
Les soucis, l’ingrate fortune et les justes reproches
Qu’adresse au lit nuptial ma femme quasi veuve.
Convenons qu’à l’épreuve du malheur, la probité
Devient, du fait de l’infortune, objet de gloire : 50
Si l’endurant Ulysse n’avait pas trouvé d’embûches,
Pénélope eût goûté le bonheur, non la gloire ;
Connaîtrait-on seulement Evadné dans son pays
Si son mari était entré vainqueur dans Thèbes ?
Des filles de Pélias, une seule est connue ; pourquoi ?
Parce qu’une seule a épousé un malheureux.
Qu’un autre soit le premier à fouler le sol de Troie,
Et l’on n’aura plus à citer Laodamie.
Ton affection resterait ignorée – chose que tu
Préfèrerais – si un bon vent gonflait mes voiles. 60
Pourtant, vous les dieux, toi César, qui seras dieu – mais tard,
Quand tu auras vécu aussi vieux que Nestor –
Epargnez non celui qui mérite, il l’admet, sa peine,
Mais celle qui a mal sans l’avoir mérité.
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