vendredi 2 mai 2025

Pi/ygmalion

Les amateurs de musique baroque se réjouiront de la récente parution sous le label "Château de Versailles" de l'acte de ballet de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) Pigmalion, par l'ensemble Il Caravaggio, sous la direction de Camille Delaforge.

Comme un bonheur ne vient jamais seul, à l'oeuvre de Rameau s'ajoutent une cantatille d'Antoine Bailleux (v. 1720 - v. 1798) et, cerise sur le gâteau, une page de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).


Pour plus de détails :

"Cette nouvelle publication du label Château de Versailles Spectacles est le fruit de la réflexion personnelle de Camille Delaforge, directrice de l’ensemble Il Caravaggio qu’elle a fondé sous le patronage spirituel et post mortem du Caravage, le grand et turbulent peintre italien. C’est la théâtralité et la violence de ce dernier qui dicte aux interprètes une expressivité intense si propre à la sensibilité baroque. Le mythe de Pygmalion, exprimé ici par les œuvres de Rameau, Bailleux et Lully, exprime bien sûr différents aspects de la légende mais vient aussi poser la question de la place de l’art dans une vie d’artiste. Pour Camille Delaforge, c’est aussi une réflexion sur la place de la femme réduite ici à une simple création masculine et « un prétexte pour sonder ce que signifie donner vie à l’inanimé » dans la création artistique. Ce questionnement était probablement celui de Rameau dans cette œuvre surprenante qui apparaît comme une sorte d’aveu de son propre génie. Postérieur d’une douzaine d’années à celui de Rameau le Pygmalion d’Antoine Bailleux est une « cantatille » (petite cantate de chambre) écrite « dans le goût italien » si prisé en France après l’épisode de la Querelle des bouffons, dans la mouvance de Pergolesi. Le programme se termine par un retour en arrière avec le Récit de la Beauté extrait du Mariage forcé réunissant Molière et Lully." © François Hudry/Qobuz

Et, pour le plaisir, ces quelques vers extraits des Métamorphoses :

Vint le jour où tout Chypre fêtait solennellement                          
Vénus. On avait immolé des génisses au cou de neige,
Aux cornes recourbées rehaussées d’or ; on avait fait
Brûler de l’encens ; les rites accomplis, Pygmalion,
Devant l’autel, dit, plein de crainte : « Si vous pouvez, ô dieux,
Tout accorder, donnez-moi pour épouse » — il n’osa dire
 « La vierge d’ivoire » —, « une femme qui lui soit semblable. »
Vénus d’or assistait personnellement à ses fêtes ;
Elle comprit le sens du vœu et, signe favorable,
Trois fois dans l’air jaillit la flamme en trois langues de feu.
A son retour, il va voir sa statue, se penche sur                             
La jeune fille et l’embrasse ; il lui semble qu’elle est tiède.
Il approche encore ses lèvres, et lui palpe le sein ;
Sous sa main, l’ivoire mollit et perd sa dureté,
Il cède sous ses doigts, comme la cire de l’Hymette
S’amollit au soleil et prend sous le pouce qui la                            
Travaille des formes toujours plus propres au travail.
Stupéfait, plein de joie, de doute, et craignant une erreur,
L’amant ne cesse de toucher l’objet de tous ses vœux ;
Il est de chair : les veines battent au contact du pouce.
Alors le héros de Paphos se répand en actions                               
De grâces pour Vénus, et ses lèvres pressent enfin
De vraies lèvres. La jeune fille a bien senti les baisers
Qu’il lui donne ; rougissant, elle a levé timidement
Les yeux vers la lumière, a vu le ciel et son amant.
La déesse assiste au mariage — c’est son œuvre — ; et quand     
Neuf fois la lune eut rapproché ses cornes en un disque
Naquit Paphos, de laquelle l’île tire son nom.

Métamorphoses, X, 270-297


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