mercredi 28 novembre 2018

Incroyable mais vrai !...

Décidément, l'heure est aux découvertes : sur les murs de Pompéi, celle d'une fresque représentant Léda et le cygne (cf. https://ovidii-amici.blogspot.com/2018/11/edition-speciale.html), dans la Vallée des Rois, celle d'un tombeau contenant d'inestimables trésors et, à proximité de Constantza, celle du journal intime d'Ovide ! Oui, vous avez bien lu ! Le journal intime d'Ovide retrouvé 2000 ans après, et en cours de publication...
Si vous voulez en lire les bonnes pages, procurez-vous le n°7 de la revue Gibraltar 
(http://www.gibraltar-revue.com/?post_type=product) ou, mieux encore, retrouvons-nous le jeudi 29 novembre (demain...) à l'Instituto Cervantes, 31 rue des Chalets, Toulouse, à 18h30, pour le lancement du n° 7...


Mais j'ai perçu votre curiosité, votre impatience, et je les comprends...
Je vous livre donc, en avant-première, le texte de la page initiale de cet émouvant journal, rédigée par Naso le jour même de son départ d'Italie...
Bonne lecture...
                             


XIIe jour avant les calendes de janvier

C’est fait…
Mon bateau a largué les amarres ce matin, et me voici en route pour le pays des Gètes… Des Besses… Des Sarmates… Des Scythes… Je ne sais comment les appeler…
Appelle-les donc « barbares », mon pauvre Naso ! C’est encore le nom qui leur va le mieux. « Bar, bar, bar… » ! Trois borborygmes pour tout vocabulaire. Et sûrement personne pour comprendre le latin…
En m’exilant au fin bout de son empire, Auguste a vraiment visé juste. Il aurait pu me condamner à mort ; mais il craignait peut-être de faire un accroc à sa réputation de plus clément des princes que la terre ait portés.
Non… Il craignait plutôt de me réserver un traitement de faveur en mettant fin une bonne fois pour toutes à mes souffrances. Et il préfère de beaucoup me voir expier ma faute jusqu’à mon dernier jour…
Me voici donc condamné à vivre sans ma Fabia chérie, sans mes amis, sans tous ceux qui fréquentaient ma maison et applaudissaient à la lecture de mes vers… Sans mes jardins du pont Milvius, où j’allais si volontiers écrire à l’écart de la foule…
Tu m’as condamné, Auguste, à mourir à petit feu, avec plus de cruauté que le tyran d’Agrigente. Une fois qu’il avait enfermé ses victimes dans le taureau de bronze, il allumait le feu et, peu après, leurs gémissements cessaient. Combien de temps devrai-je gémir ?...

Notre navire a fait escale pour la nuit dans un mouillage sûr après une horrible journée de mer. Nous avons été pris par une tempête comme je n’en avais jamais connu – si Macer était là, il dirait sans doute que je n’en ai effectivement jamais connu. Comme tu me manques déjà, Macer… Des vagues énormes se brisaient sur le pont, menaçant d’emporter les marins à la manœuvre, et les creux étaient si profonds que j’avais l’impression de descendre aux Enfers. Si j’ouvrais la bouche pour prier – on devient pieux en pareil cas – un paquet de mer me faisait ravaler mes mots. Comme si les dieux s’étaient ligués avec Auguste et ne voulaient pas même de mes prières.  Sans doute auraient-ils préféré que je leur brûle de l’encens – et moi aussi, d’ailleurs…
Qui plus est, alors que nous devions faire voile vers la Grèce, un vent contraire nous ramena vers l’Italie, où je n’ai plus le droit de poser le pied. Un devin verrait peut-être là le signe indubitable que je finirai par rentrer chez moi, que mon exil ne sera pas sans retour. J’y ai plutôt trouvé une occasion de déplorer le triste sort des mortels, ballotés entre la volonté d’un prince et la volonté des dieux…
En désespoir de cause, je suis allé chercher une tablette et un style, et je me suis mis à écrire. Comme si les voiles de mon inspiration avaient été gonflées par la tempête, je ne pouvais retenir mon besoin de faire des vers et de confier mes prières à la cire. Je ne sais ce que vaut mon poème – et il ne vaut certainement pas grand-chose –, mais je peux certifier que lorsque je refermais ma tablette, la tempête se calmait…
Ô, dieux !... Si mes vers ont le pouvoir de vous fléchir, peut-être ne dois-je pas totalement désespérer…

dimanche 25 novembre 2018

D'un château l'autre (VIII).

Le grand salon du château Bertier était un lieu de passage obligé...


Il fut aussi le théâtre de belles variations musicales et chorégraphiques...


Sous l'oeil de Narcisse, que rien ni personne ne saurait détourner de son image...


Quand les visiteurs se retirèrent, les photographies de Jean-Luc Ramond pouvaient librement dialoguer entre elles...

 

    Daphné avec Latone, 
                                                                                                                           Arachné avec Narcisse...


Quant à la tête d'Orphée décapité - car telle fut la triste fin de sa triste vie -, elle continuait à chanter, dit-on, tout en flottant sur les eaux sombres de l'Hèbre...

A quelques pas de là, le grand bassin (d'Apollon ?) était devenu la mare dans laquelle naquirent les grenouilles...

Claudine Villand, céramiste

Méfiez-vous, les batraciennes... Un échassier à long bec rôde par ici...

Oiseau en céramique, Mélissa Chartraire

C'est ainsi que se clôt notre balade à travers les oeuvres des artistes du collectif Artuel, exposées pour les Journées Européennes du Patrimoine au château Bertier (31120).
Ils furent accueillis par une municipalité soucieuse de faire vivre ce trésor du patrimoine et par  l'association des Amis de la Cité Des Confluences, chargée de l'animer...

Retirons-nous maintenant sur la pointe des pieds, en évitant de troubler l'esprit des lieux...







D'un château l'autre (VII)...

La cage d'escalier du château Bertier avait, elle aussi, inspiré certaines artistes du collectif Artuel. Elles en avaient fait la salle des phénomènes célestes.
On y retrouvait les constellations, toutes issues, bien sûr, de métamorphoses...

Carte du ciel, Martine Rigaudière, peintre et plasticienne

On y retrouvait la voie lactée, sous laquelle jouaient les deux musiciennes qui ont enchanté l'exposition, Agnès Demeulenaere (hautbois) et Lucile Laricq (violon)...

Voie lactée conçue par Annie Fabre, plasticienne

Au fait... Que pensait de tout cela le maître de céans, le représentant de la grande famille des Bertier, propriétaire du château pendant des siècles ?... 


Il semble, ma foi, plutôt en harmonie avec son environnement... Serait-ce l'harmonie des sphères ?...

Comme en suspension dans l'air, aussi léger que les plumes de ses ailes, se tenait Memnon, dont les cendres échappées de son bûcher funèbre devinrent un être céleste, devinrent des oiseaux...

Mélissa Chartraire, céramiste

Au bas de la première volée de marches nous est rappelée la déplorable histoire de Phaéton.
Ce fils du dieu Soleil avait des doutes sur son géniteur. Il demande donc des preuves à celui qui est censé être son père. Celui-ci lui dit en réponse : "Demande-moi ce que tu voudras, mon fils... Je te l'accorderai". Promesse à ne jamais faire, quel que soit le contexte...
Phaéton demande à conduire le char du soleil...
Comment tout cela finit-il ?
Voici...

Installation de Mireille Galian

Un post-scriptum pour les cruciverbistes... A quel mot de sept lettres la définition suivante correspond-elle : "Voiture hippomobile, à caisse ouverte haut perchée, à quatre roues, et qui verse facilement" ?
Gagné !



D'un château l'autre (VI)...

Après Jupiter, Orphée. Après le plus grand des dieux, le plus grand des poètes...
Ses chants, on le sait, étaient si beaux qu'il parvenaient à attendrir les animaux sauvages. Rien de surprenant, donc, à ce qu'un redoutable bestiaire tapisse les murs du salon de musique...



Corinne Panziera Turlais, photographe

Aujourd'hui, Orphée chante une tragique histoire d'amour, celle de Myrrha et de Cinyras...
Cette fois-ci, ce ne sont pas les parents qui font obstacle, c'est le tabou de l'inceste :  Myrrha est amoureuse de Cinyras, son père...
Mais cet obstacle ne suffit pas à l'empêcher de s'unir à lui : elle porte en son sein un enfant de son père.
Lorsque Cinyras découvre que sa mystérieuse maîtresse - Myrrha le rencontrait dans l'obscurité la plus totale - n'est autre que sa fille, il s'apprête à transpercer celle-ci de son épée.
Myrrha s'enfuit, erre pendant neuf mois et lorsque la fatigue de l'errance ajoutée à celle de la grossesse ont raison de ses forces, elle s'abandonne au bon vouloir des dieux, qu'elle supplie de la métamorphoser. Ceux-ci, émus par sa souffrance, font d'elle un arbre à myrrhe. Et les larmes de Myrrha, qui regrette sa faute, ne cessent pas de s'écouler sous la forme de gouttes de myrrhe...
Quant à l'enfant à naître, il voit le jour en fendant l'écorce.
Il causera des ravages dans le coeur de Vénus : c'est le bel Adonis...

Laure Mavel, céramiste
 
Autour du bois de myrrhiers frémissent les feuilles et les couleurs de la forêt imaginée par Anne-Marie Sanchez...



samedi 24 novembre 2018

D'un château l'autre (V)...

Les dernières salles du château Bertier, que le collectif d'artistes Artuel a investi à l'occasion des Journées Européennes du Patrimoine, permettaient de rencontrer de nouvelles figures mythologiques - et métamorphiques...

La salle la plus fréquentée par les araignées avait tout naturellement été choisie par trois plasticiennes, Anne Richaud, Annie Fabre et Mireille Medioni-Nirman, pour y installer leur version de la terrible compétition de tissage qui opposa une déesse, Minerve, et une mortelle, Arachné. Ici, Minerve châtie la tisserande présomptueuse qui avait osé la défier...


Là, Arachné succombe au châtiment de la déesse, et déjà apparaissent les pattes qui caractériseront bientôt l'araignée qu'elle est en train de devenir...



L'ancienne salle d'arme du château devait, bien sûr, accueillir le mieux armé des dieux, celui qui détient la foudre : Jupiter.
Mais Anne-Marie Sanchez (peintre et plasticienne) et Corinne Panziera Turlais (photographe) avaient choisi non pas de célébrer le dieu tout puissant mais de représenter - de dénoncer ? - le dieu plein de faiblesse, qui ne peut pas résister au charme des mortelles...
Celle qui, aujourd'hui, a l'honneur d'être sa victime se nomme Io. Pour dissimuler à Junon son infidélité, Jupiter enveloppe sa maîtresse d'un épais nuage et, lorsque le nuage se dissipe, la belle jeune fille a été transformée... en génisse blanche.

.
L'épouse de Jupiter, comprenant le subterfuge, demande à son divin mari de lui offrir la belle bête, ce qu'il ne peut lui refuser. Io est alors placée sous la surveillance du plus efficace des gardiens, Argus aux cent yeux, dont les regards sont toujours en éveil.
Mais Jupiter ne tarde pas à libérer Io : Mercure, l'exécuteur des basses oeuvres de son père, se charge de faire disparaître son gardien. Io s'échappe et Junon recueille les cent yeux d'Argus, qu'elle dispose sur les plumes blanches de son oiseau emblématique, le paon. Désormais, la queue du paon sera ocellée, c'est-à-dire constellée des yeux d'Argus...


A sa façon, Corinne Panziera Turlais document la fable...






lundi 19 novembre 2018

Edition spéciale !

Aujourd'hui, à 12h07, est diffusée une information du plus haut intérêt ovidien : les archéologues  travaillant sur le site de Pompéi ont découvert une fresque représentant Léda et le cygne !...


Suivez ce lien pour lire ce que nous en apprend l'ANSA (Agenzia Nazionale Stampa Associata, la première agence de presse italienne) :

Et admirons la fresque en imaginant l'émotion de l'archéologue sous la main de laquelle Léda et le cygne sont apparus...


Admirons aussi l'expression de Léda qui, loin de s'abandonner à la divine étreinte, semble plutôt nous regarder comme en nous reprochant notre indiscrétion.
Non, Léda, non !... Ce n'est pas de l'indiscrétion : c'est de la curiosité esthétique...

dimanche 18 novembre 2018

Pyrame et Thisbé


Connaissez-vous la tragique histoire de Pyrame et Thisbé ? Assurément, puisque vous connaissez celle de Roméo et Juliette…
Mais rendons à César ce qui appartient à César, ou, pour mieux dire, rendons à Ovide ce qui lui appartient. Car c’est bien à la source des Métamorphoses que Shakespeare a puisé son inspiration.

Il était donc une fois, dans la lointaine Babylone, une jeune fille – Thisbé – et un jeune homme – Pyrame – qui s’aimaient. Or, comme par un fait exprès, leurs parents se haïssaient et interdisaient formellement aux amoureux de se rencontrer. Heureusement, les maisons des deux familles étaient contiguës, si bien que, par une fente du mur, Pyrame et Thisbé pouvaient se dire leur amour…


©Jean-Luc Ramond

Mais à la longue, cela ne leur suffit plus : ils décidèrent de braver la volonté des adultes et de s’enfuir ensemble. Pour ce faire, ils se donnèrent rendez-vous sous un grand mûrier, auprès du tombeau de Ninus, un ancien roi de Babylone.
Pour une raison inconnue, Thisbé arriva la première – en avance ? Or, tandis qu’elle attendait son amoureux – en retard ? – une lionne vint rôder dans les parages. Thisbé, épouvantée, va se cacher dans une grotte voisine, laissant tomber son voile à terre.

Château de Villeneuve-Lembron (63), Grande salle, médaillon peint (XVIIe s.).

La lionne le renifle et y essuie ses babines sanglantes – car elle venait de croquer quelque imprudente gazelle. Puis elle continue sa route sans se soucier le moins du monde de Thisbé. 

Cabinet flamand, musée Benoît-De-Puydt, Bailleul (XVIIe s.)

Survient Pyrame, qui découvre sur le lieu du rendez-vous les empreintes du fauve et le voile de Thisbé maculé de sang. Le sien ne fit qu’un tour : se croyant coupable de la mort de sa bien aimée, il prend son épée et s’en transperce, espérant ainsi rejoindre dans la mort celle dont il croyait avoir causé la mort…
C’est alors que Thisbé sort de sa cachette et retourne au lieu du rendez-vous. Mais, sous le grand mûrier, elle trouve le corps moribond de son bien aimé. Elle n’a que le temps de recueillir son dernier soupir et de prendre la terrible décision de le rejoindre dans la mort en se transperçant de l’épée de Pyrame.


 Château de Villeneuve-Lembron (63), Grande salle, médaillon peint (XVIIe s.).


Majolique, Pesaro, XVIe s., Wallace collection, Londres.

Pierre incrustée de nacre et de marbre, Rijksmuseum, Amsterdam


Le sang des deux amants avait rejailli jusque sur les fruits du mûrier. C’est depuis ce temps-là, dit-on, que les mûres, initialement blanches, sont rouge sang…

©Jean-Luc Ramond

Je remercie Séverine, qui m'a fait découvrir les cabinets peints du musée Benoît-De-Puydt de Bailleul (59) et Isabelle, qui m'a fait parvenir la photographie amstellodamoise. Toutes deux sont de grandes amies d'Ovide...