lundi 25 décembre 2017

Quel farceur, ce Damien !



Voilà… Nous avons fait le tour de l’exposition vénitienne de Damien Hirst. Et nous en sommes encore émerveillés : le nombre des œuvres, leur taille – qui à eux seuls font que les centaines (les milliers ?) de mètres carrés du palais Grassi et de la Pointe de la Douane suffisent à peine à les contenir – la richesse des matériaux, la finesse de l’exécution… C’est à proprement parler incroyable…

Incroyable… C’est aussi le nom du bateau chargé des trésors de l’exposition et dont on a retrouvé l’épave en 2008, nous explique-t-on en préambule du livret d’aide à la visite. En grec, incroyable se dit apistos. Le hasard, malicieux, avait donc voulu que le bateau porte un nom susceptible de qualifier aussi l’exposition…


Malicieux, le hasard ? Peut-être, mais sûrement moins que Damien, qui sait que l’adjectif apistos signifie aussi – et surtout – en grec ancien « qui n’est pas digne de foi ». On signale donc, dès l’entrée de l’exposition, qu'il faut se défier de ce qui est dit et montré. Ou, du moins, on laisse à ceux qui ont fait leurs humanités le soin de le déduire du sens de l’adjectif grec.

Et si l’on n’a pas fait ses humanités ? Eh bien alors, tout change. Car, au lieu de se dire « Quel farceur, ce Damien ! », et de prendre au deuxième degré tout ce qu’il propose, on est tenté de tout prendre pour argent comptant. Bien des visiteurs ne manquent pas de le faire, croyant à la fable selon laquelle la double exposition de Venise est le produit d’une pêche miraculeuse. Ils passent d’une œuvre à l’autre en se disant que, vraiment, les Anciens étaient forts en sculpture et que l’art, à cette époque-là, ressemblait à quelque chose.

Peut-être finiront-ils, vers la fin, par se dire qu’il y a anguille sous roche. Car, tout de même, remonter un Mickey immergé dans l’océan Indien depuis vingt siècles, voilà qui impose de faire remonter la naissance de Walt Disney à l’époque du Christ, ou presque. Suspect… Mais enfin… Les coraux dont est recouvert le corps de Mickey constituent une preuve de sa longue immersion. Et des photos du sauvetage ont été prises, des vidéos tournées ; or chacun sait que le témoignage d’une image est irréfutable…

Pendant que le visiteur lambda continue à se demander si tout ça, c’est du lard ou du cochon, notre humaniste, lui, n’en finit pas de se dire que ce cochon de Damien a monté là un beau canular. Car, comme tout canular qui prétend à l’efficacité, il repose sur de solides fondations : sur les cartels qui accompagnent les œuvres, on peut lire des choses qui sont à peu près conformes à la vérité, et que le commissaire d’une exposition archéologique ne renierait pas. La seule différence est que les œuvres commentées relèvent non pas de la réalité mais de la fiction.

Du coup, notre humaniste se prend aussi à douter : qu’est-ce qui prouve que c’est bien du bronze, de l’argent, de l’or, comme c’est écrit sur le cartel ? Qu’est-ce qui prouve que Damien n’a pas poussé l’affabulation jusqu’à faire passer de la résine polyuréthane pour du bronze peint et du polystyrène pour du marbre de Carrare ? S’approchant d’un sphinx impassible, il profite du fait que le gardien papote avec sa collègue de la salle voisine pour donner trois petits coups à la statue. Bizarre… Ça sonne plein…

Il ne lui reste plus qu’à se lancer dans de profondes réflexions sur la relation complexe entre la réalité et la fiction, l’art et la vie, l’être et le paraître… Sur la finalité de l’art, sur l’éternelle actualité du message des Anciens, dont le sens est renouvelé, est approfondi à chaque époque… Et à reconnaître qu’il préfère avoir parcouru l’exposition avec en tête son petit bagage d’helléniste, plutôt que de l’avoir fait dans les conditions du visiteur lambda, avec en main son petit livret. Car le visiteur lambda, nulle part informé de la supercherie, serait en droit de trouver, s’il découvrait le pot aux roses, qu’on s’est un peu payé sa tête. Lui qui est entré là parce que c’était l’expo qu’il fallait voir, lui qui a trouvé que, pour une fois, une exposition d’art contemporain n’était pas « prise de tête » et même que certains objets – que beaucoup d’objets – étaient beaux, ressortirait vexé d’être tombé dans le panneau.

Du coup, l’helléniste se dit qu’il l’a échappé belle : il était du bon côté, du côté des rieurs, de ceux qui tirent les ficelles, de ceux qui savent. Il aura la satisfaction de se dire que lui, au moins, ne s’est pas fait avoir…

Mais ressortira-t-il pour autant pleinement satisfait ? Ce n’est pas sûr. Peut-être trouvera-t-il que tout ça ressemble un peu trop à un caprice de gosse qui aurait été satisfait par son richissime papa – comprenez « un caprice d’artiste satisfait par son richissime mécène »... Que s’il s’agissait de faire réfléchir à des choses profondes, on pouvait y parvenir sans plonger dans les profondeurs de l’océan Indien, et que si, au contraire, tout ça n’était fait que pour la rigolade, on devait sûrement pouvoir rigoler à moindre coût.

Bref… Le public pouvait avoir légitiment l’impression qu’on l’avait un peu mené en bateau...

vendredi 22 décembre 2017

Incroyable exposition (VI)

Palazzo Grassi

Andromède et le monstre marin


Si l'on n'est pas trop étonné de voir une princesse éthiopienne près d'être dévorée par un monstre marin, on peut l'être davantage par la sculpture suivante...


Oui ! Vous l'avez reconnu : il s'agit bien de Mickey... Et si certains ont peine à croire que le personnage de Walt Disney ait pu être repêché au large des côtes de l'Afrique de l'Est parmi les vestiges d'une cargaison d'objets d'art qui aurait sombré il y a deux mille ans, la photographie suivante les convaincra de la véracité des faits.


Voici d'ailleurs à quoi pouvait ressembler l'Incroyable et sa précieuse cargaison :


Etablie d'après les recherches menées par le Centre d'archéologie maritime de l'Université de Southampton, cette maquette (1/32) reproduit l'Apistos. (...)
Le récit le plus fiable de l'histoire du naufrage est livré par le marin Lucius Longinus, confirmé par le contenu d'un papyrus retrouvé dans les ruines du port de Myos Homos sur la rive de la mer Rouge. Longinus nous apprend que la structure de l'Apistos a été construite à Alexandrie puis transportée le long du Nil  avant d'être assemblé à Myos Hormos. Le navire mesurait 60 mètres de long et pesait plus de 460 tonnes. Un obélisque de 26 mètres trônait sur le pont du bateau.





                                                                                                                                             Damien Hirst

samedi 16 décembre 2017

C'est fait !


Roma riabilita Ovidio, dopo 2000 anni revocato esilio

Ok Aula Giulio Cesare, accolte richieste città natale Sulmona


Ad oltre duemila anni dall'esilio dalla Capitale, la città di Roma riabilita il poeta latino Publio Ovidio Nasone e revoca ufficialmente la "relegatio" decisa dall'imperatore Augusto. Oggi l'Assemblea Capitolina ha approvato all'unanimità la mozione, proposta dalla maggioranza Cinquestelle, per "riparare al grave torto subito" dall'autore delle Metamorfosi che venne esiliato a Tomi, in Romania. Il documento è stato approvato dall'Aula che, recita la mozione, rappresenta "idealmente la continuità storica del Senato e del Popolo di Roma" e pertanto si ritiene essere titolata ad esprimersi. La mozione, votata proprio nell'anno in cui si celebra il bimillenario della morte del "cantore dell'amore", ha avuto una lunghissima gestazione e trae origine da due processi voluti dalla sua città natale, Sulmona. "In entrambi i giudizi - si legge nel documento votato in Assemblea - Ovidio è stato assolto dai capi di imputazione a lui contestati. L'ultima sentenza di assoluzione è stata recepita all'unanimità dal consiglio comunale di Sulmona che nel 2012 l'ha trasmessa all'Assemblea Capitolina di Roma affinché venisse recepita e ne fosse data attuazione". Il primo processo, nel dicembre del 1967, si svolse davanti ad una corte di insigni latinisti, mentre l'appello, del 2011, venne celebrato di fronte a qualificati giuristi. Nella mozione firmata dal M5S, viene ricordato anche un "illustre precedente" del poeta latino, datato 2008. "Su richiesta del M5S il Comune di Firenze ha riabilitato ufficialmente Dante Alighieri quando ricorrevano i 750 anni dalla sua nascita con la revoca dell'esilio e l'annullamento della sentenza del 27 gennaio 1302 che", in piena guerra guelfi-ghibellini, condannò il poeta e tre suoi compagni" tra le altre cose "al bando dalla Toscana per due anni e all'iscrizione dei loro nomi nei registri comunali come falsari".
    Così, dopo una lunga trafila, Publio Ovidio Nasone nato a Sulmona nel 43 a.C. ed esiliato a Tomi nell'8 d.c., ha ottenuto giustizia, seppur tardiva. La decisione è arrivata in quanto la relegatio "in base al diritto romano, andava comminata a seguito di un pubblico processo e doveva essere ratificata dal Senato mentre l'imperatore Augusto stabilì tutto da solo senza rispettare le regole". (ANSA).

vendredi 15 décembre 2017

Incroyable exposition (V)

Palazzo Grassi

Haute de près de dix-huit mètres, cette sculpture monumentale dépourvue de tête, est une copie d'un plus petit bronze retrouvé dans l'épave.


Sa découverte a résolu un mystère archéologique : en 1932, une tête en bronze aux traits de saurien est retrouvée dans le Tigre. Dotée d'une mâchoire béante et de grands yeux bulbeux, la tête fut initialement identifiée comme celle de Pazuzu, "le roi babylonien des démons du vent". L'exhumation du corps de la sculpture a remis en question cette assertion en révélant l'absence des attributs habituels de Pazuzu : ailes, queue de scorpion et pénis à tête de serpent.


Créatures primitives complexes, les démons mésopotamiens habitaient des royaumes au croisement des l'homme, de l'animal et des divinités. Incarnant une réponse transgressive à des structures sociales rigides, ces êtres hybrides pouvaient être apotropaïques, bienveillants ou malfaisants.

L'hypothèse selon laquelle le bol que tient le démon serait un récipient pour récolter le sang humain correspond à une interprétation contemporaine des démons en tant qu'êtres universels destructeurs. Il est plus probable que cette figure ait été le gardien de la demeure d'un membre de l'élite locale.

Cette sculpture endommagée d'Hermaphrodite, dieu à deux sexes, est présentée à côté d'une copie contemporaine de musée et d'une version avant restauration, incrustée de coraux.


Cet Hermaphrodite grandeur nature adopte une posture contrapposto (déhanchement) qui accentue les courbes idéales de son corps. L'équilibre maintenu entre les forces contraires, et pourtant complémentaires, illustre la pureté associée par les Anciens à l'androgynie. Ainsi, dans le Banquet de Platon, Aristophane décrit un troisième genre, alliance de masculin et de féminin, plus fort "en force et en vigueur" que les deux autres sexes.

samedi 9 décembre 2017

Incroyable exposition (IV)

Punta della Dogana

Méduse
Dotée de pouvoirs apotropaïques, la Gorgone, représentée ici après sa décapitation par Persée, est une figure récurrente de la collection.
Réalisées en matériaux divers tels que la malachite ou l'or et le cristal, ces oeuvres montrent l'unique combinaison de thèmes qu'elle incarne : horreur, peur, sexe, mort, décapitation, subjugation féminine et pétrification.



Une fois décapitée, sa tête a conservé ses pouvoirs de pétrification : Ovide explique que c'est le sang de Méduse qui, en coulant de son cou sur les brindilles et les algues, les a pétrifiées, donnant ainsi naissance au corail.


samedi 2 décembre 2017

Incroyable exposition (III)

Punta della Dogana


Cette effigie d'une femme nue allongée sur un divan est sculptée dans le plus grand détail : buste gracieux, poitrine aux courbes généreuses, ventre souple au nombril dessiné. La tradition gréco-romaine abonde de récits d'hommes tombant fous amoureux de ces sculptures plus vraies que nature, à la frontière entre l'art et la vie, la mimesis et le simulacre.

 
Le mythe de Pygmalion  qui, las des femmes qu'il rencontrait dans la vraie vie, sculpta dans l'ivoire le corps d'une femme qui prit forme humaine à son toucher, exprime cette relation entre art, imitation et réalité. Elle illustre aussi la croyance, largement partagée, selon laquelle les artistes étaient capables de contrôler la nature. La présence ici de coraux "cerveau" recouvrant la forme humaine suggère pourtant le contraire. C'était une pratique populaire courante de reproduire des formations rocheuses naturelles. La ville antique de Rhodes regorgeait ainsi de grottes artificielles.

Dans les Métamorphoses d'Ovide, on trouve l'extraordinaire corne d'abondance des mythes gréco-romains fondés sur les concepts de la transformation. En combinant une silhouette de femme drapée d'un chiton à une tête et aux énormes pattes d'une mouche, cette sculpture évoque certains récits métamorphiques comme le mythe d'Arachné, une jeune fille originaire de Lydie célèbre pour sa maîtrise de l'art du tissage.


La fière Arachné osa défier Athéna lors d'un concours de tissage et créa une tapisserie exquise qui représentait la vie scandaleuse des dieux. Furieuse, la déesse transforma Arachné en araignée, condamnée à tisser pour l'éternité. Ce récit peut se lire comme une parabole du pouvoir artistique et de l'antagonisme séculaire entre la créativité et l'autorité. Les notions de transformations - à la fois physiques et métaphoriques - dépassaient le domaine du mythe. En Grèce, les danseurs de morphasmos imitaient ainsi des animaux, par lesquels ils finissaient par être possédés.