jeudi 28 février 2019

Age of classics ! (I)


Le musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, a inauguré jeudi dernier, 22 février, sa nouvelle exposition temporaire, "Age of classics !".
Le sous-titre en est "L'Antiquité dans la culture pop". J'emprunte quelques lignes au dossier pédagogique conçu par Anne Dattier pour vous la présenter.
"A la croisée de l'archéologie et de l'art contemporain, cette exposition interroge notre rapport aux mondes anciens et nous invite à questionner la présence, à la fois étrange et familière, de l'Antiquité dans ce qui fait notre quotidien : bandes dessinées, mangas, littérature, jeux et clips vidéo, oeuvres cinématographiques, séries télévisuelles et arts plastiques.

Le parcours de visite s'organise autour de trois aires géographiques : l'Europe occidentale, les Etats-Unis d'Amérique et l'Asie extrême-orientale."

Je vous ferai découvrir aujourd'hui la sculpture de Léo Caillard, issue de sa série Hipsters in stone (plâtre et vêtements, 2017) et intitulée Marcellus...


Avez-vous reconnu en ce jeune homme le neveu de l'empereur Auguste, celui en qui son oncle plaçait tous ses espoirs, à qui il avait donné en mariage sa fille Julie et dont il avait prévu de faire son successeur à la tête de l'empire ?
Hélas, les dieux en décidèrent autrement, et le jeune homme en question mourut dans la fleur de l'âge, avec pour seule consolation d'être célébré par le grand Virgile (Enéide, VI, 882-884, trad. Olivier Sers) :
"Las ! pauvre enfant, que ne peux-tu fuir tes destins !
Tu seras Marcellus ! Donnez-moi par brassées
De pourpres fleurs de lys à répandre sur lui..."

vendredi 15 février 2019

Après Léda, Narcisse...

Une nouvelle fresque  vient d'être retrouvée à Pompéi dans la maison où avait été retrouvée en novembre 2018 une fresque représentant Léda (https://ovidii-amici.blogspot.com/2018/11/edition-speciale.html)...


Voici ce qu'en dit aujourd'hui même Figaro) :

ARCHÉOLOGIE - La peinture murale, au trait précis et aux couleurs chatoyantes, se trouvait dans l'atrium d'une demeure réputée pour la richesse de sa décoration et son état de préservation. En novembre dernier, une autre illustrant la scène d'amour entre Leda et le cygne y avait été dévoilée.
On finirait presque par s'habituer. La direction du site archéologique de Pompéi a annoncé la découverte d'un nouveau trésor. En novembre dernier, une fresque représentant le mythe de Leda et du cygne avait été trouvée dans une grande demeure de la cité antique. Les archéologues viennent de mettre à jour dans cette même maison une peinture murale représentant Narcisse se mirant dans l'eau. « Les découvertes exceptionnelles continuent », s'est enthousiasmé Massimo Osanna, directeur du parc archéologique de la cité antique, ensevelie dans l'éruption du Vésuve en 79 ap. J.-C.

Le peintre anonyme de cette splendide fresque n'aurait-il pas lu Ovide...


Il était une source claire et pure, aux eaux d’argent ;
Ni les bergers, ni les chèvres paissant sur les monts
Ne l’avaient souillée, ni d’autres troupeaux ; pas un oiseau,
Pas une bête ne l’avait troublée, pas un rameau
Tombé de l’arbre. Son eau nourrissait l’herbe sur ses bords,
La forêt empêchait le soleil d’attiédir l’endroit.
L’enfant, épuisé par la chasse et la chaleur, s’y vient
Abattre : il cède à l’attrait de l’endroit et de la source.
Tandis qu’il veut calmer sa soif, une autre soif le prend ;
Tandis qu’il boit, il voit un beau reflet qui le ravit,
Qu’il aime — reflet sans consistance : il prend une ombre pour
Un corps. Il en est stupéfait, son visage se fige
Et, comme un marbre de Paros, il reste sans bouger.
Etendu là, il contemple deux astres — ses deux yeux —,
Ses cheveux dignes de Bacchus et même d’Apollon,
Ses joues imberbes, son cou d’ivoire, la grâce de sa bouche,
Il contemple ce teint de neige qu’une rougeur colore,
Et tout ce qui en lui se peut admirer, il l’admire.
Sans le savoir, il se désire ; il plaît à qui lui plaît,
Qui recherche est recherché, qui enflamme est enflammé.
Que de baisers reçoit, pour rien, cette source trompeuse,
Que de fois il plonge ses bras dans l’eau pour tenter de
Se saisir du cou qu’il voit sans parvenir à s’atteindre.
Que voit-il ? Il ne le sait ; mais ce qu’il voit le consume,
Et ce qui trompe ses regards est ce qui les embrase.
Pourquoi, naïf enfant, chercher en vain ce double qui
Te fuit ? Ce que tu veux n’est nulle part ; ce que tu aimes,
Tourne-toi, tu le perdras ; c’est une ombre que tu vois,
Un reflet sans consistance ; avec toi, il va, il reste ;
Repars, il repartira — si tu pouvais repartir.

Métamorphoses, III, 407-436

dimanche 10 février 2019

Ovide au Texas...

L'université américaine de Baylor (Waco, Texas) a organisé le vendredi 9 février un colloque international sur Ovide, plus particulièrement orienté sur l'aspect rhétorique de son oeuvre. En voici le programme.



Vous aurez reconnu, parmi tous ces amis d'Ovide, Alessandra Romeo, Eleonora Tola, Hélène Vial et Laurent Pernot, que je salue...
Entre tant de communications toutes plus alléchantes les unes que les autres, j'aimerais bien avoir le texte de celle de Julia Hejduk "Lessons from a Doctor of Irony". Car s'il se flattait d'être "professeur d'amour" (praeceptor amoris), on peut aussi lui reconnaître la suprématie dans cet autre secteur. J'attendrai la publication des actes...
 
En attendant, donc, pourquoi ne pas s'imaginer "Ovide au Texas" - je chipe la formule à Hélène Vial ?... Relégué aux confins du monde civilisé et du monde barbare...
Ecoutons-le décrire le pays qui l'entoure...


            La terre est en jachère, elle ne produit pas.
Le doux raisin ne s’y cache pas à l’ombre du pampre
            Et le moût bouillonnant n’emplit pas les cuviers.
Pas un fruit dans ce pays ; Acontius n’y trouverait
            Pas de pomme où graver son message à sa belle.
On voit des plaines nues, dépourvues d’arbres, de feuillage ;
            Non, ce n’est pas ici qu’on trouve le bonheur !
Tristesses III, 10, 70-76 
Ou encore...

Là où pousse la vigne, le sarment porte un bourgeon,
            Mais la vigne pousse vraiment loin du Texas ;
Là où poussent les arbres, sur l’arbre gonfle un rameau,
            Mais les arbres poussent vraiment loin du Texas.
Tristesses, III, 12, 13-16, légèrement modifié

Ecoutons-le se plaindre des peuplades des environs...


            L’ennemi barbare, à cheval, se rue sur nous.
Ce cavalier hors pair, qui fait voler au loin ses flèches,
            Ravage largement la terre avoisinante.
Tristesses, III, 10, 54-56



Imaginons-le en train de tuer le temps en faisant de longues promenades à cheval...


Et de déplorer sa solitude de banni...
I'm a poor lonesome poet...




vendredi 8 février 2019

Haute lice

A chacun ses Métamorphoses...
Mais reconnaissons que celles de Marie-Claude Deshayes Rodriguez ne manquent pas d'allure...
Marie-Claude est licière et nourrit son travail de tisserande des Métamorphoses d'Ovide.
Voici ce que deviennent sous ses doigts et une fois passées par le filtre de son imagination quelques unes des fables que nous aimons...


En exergue à son site, une vague géante et pétrifiée par le gel. Elle a été suggérée à Marie-Claude par l'ouvrage de Vintila Horia, Dieu est né en exil.  Et Dieu sait que des vagues géantes, il n'en manque pas à Constantza. La preuve ?...


Plus loin, nous retrouvons Narcisse à la fontaine, ou plutôt "Narcisse aux nénuphars"...


Nous reconnaissons ici Argus et le paon, étrange proximité, étrange télescopage d'un avant, où le paon de Junon était dépourvu d'ocelles, et d'un après, où il en est couvert...


Argus s'est endormi, nous dit Ovide, et pendant son sommeil, Mercure l'assassine. Non, nous dit Marie-Claude : Argus admirait le paon et Mercure a profité de cet instant de distraction pour accomplir sa basse besogne...


Si nous levons les yeux, nous voyons apparaître Icare, qui vole trop près du soleil...


Et si nous les baissons, nous voyons la mer, ou plutôt le déluge qui a recouvert toute terre...


Nous pouvons même passer derrière, je veux dire dans les coulisses...


Du coup, nous voici dans l'atelier de la tisserande ou, si vous préférez, d'Arachné...

Merci, Marie-Claude !...
                                   

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