mardi 24 décembre 2019

Joyeux Noël !...

Ce soir, chères et chers amis d'Ovide, le Père Noël a pris les traits d'Hélène Vial pour venir déposer dans votre petit soulier un inestimable conseil de lecture...
Partageons-le, si vous le voulez bien...
Joyeux Noël à vous tous !...

                                    

Et si vous lisiez les Métamorphoses d’Ovide !

Dans les premières pages de son livre Comment la méditation a changé ma vie… et pourrait bien changer la vôtre ! (Paris, Odile Jacob, 2012), la psychologue Jeanne Siaud-Facchin présente sous la forme d’un tableau synthétique toutes les bonnes raisons que le lecteur a, selon elle, de se mettre à la méditation. Dans la colonne de gauche, des questions : « Vous êtes facilement ou trop souvent anxieux ? », «Vous avez l’impression que le temps file trop vite et que vous n’avez le temps de rien ? », « Vous ne pouvez jamais vous arrêter de penser ? », etc. Dans celle de droite, en face de chaque question, une réponse, toujours la même : « Méditez ».
L’intérêt de lire les Métamorphoses d’Ovide en cette extrême fin d’année 2019 pourrait parfaitement être présenté de la même manière, tant il est multiple et englobe, bien au-delà du seul domaine intellectuel, tous les champs de la vie. Cela pourrait donner, dans l’ordre ou le désordre:

Vous avez entendu dire que Narcisse meurt en se noyant dans l’eau où il est tombé amoureux de son reflet, mais vous trouvez une telle mort vraiment trop bête ?*
* Spoiler : vous avez raison. Et, quand vous aurez lu ce passage – l’un des plus beaux de la littérature mondiale –, vous verrez que le mythe d’Œdipe s’y cache peut-être.
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous vous demandez qui est ce Pygmalion que l’on évoque quand, en pédagogie, on parle d’« effet Pygmalion » ou que, dans les médias d’information « people », on évoque l’union de célèbre producteur avec la jeune chanteuse dont il a bâti la carrière ou le mariage de cet expert chinois en intelligence artificielle avec le robot humanoïde d’apparence féminine dont il est l’inventeur ? Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Plus largement, vous voulez devenir incollable sur la mythologie grecque et romaine*, mais sans avoir pour cela à parcourir un ennuyeux manuel ?
* À une exception près : Œdipe (lisez donc l’Œdipe roi de Sophocle pour compléter), qu’Ovide, étrangement, laisse de côté. Quoique…
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous pensez que Shakespeare a créé à partir de rien les amants tragiques de sa pièce Roméo et Juliette ? Lisez les Métamorphoses d’Ovide*
* Indice : c’est au livre IV.
Vous aimeriez savoir comment sont nés la Grande Ourse, la chauve-souris, le mont Atlas, le fleuve Ciane ou le rocher de Scilla que l’on admire l’un en Sicile, l’autre en Calabre, l’araignée, l’image de la corne d’abondance, le cyprès, la myrrhe, les singes* ou le pic-vert ?
* Dont vous croyez peut-être que nous sommes les descendants ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous n’imaginez pas comment il est possible de décrire un homme devenant un loup, une statue d’ivoire une femme ou un groupe de pirates des dauphins bondissant gracieusement dans la mer ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous voulez (re)prendre goût à la lecture, ou vous aimez lire mais il y a longtemps que vous n’avez pas été emporté corps et âme par un livre au point de ne pas pouvoir le lâcher ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous aimez les aventures passionnelles avec de l’amour et de la haine, de la joie et du désespoir, des actions grandioses et des ignominies, de beaux mariages et des batailles sanglantes, le tout dans un monde où tout peut à tout moment changer de forme sous la pression irrésistible de ces mêmes passions ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous vous demandez si une épopée peut se déployer sur presque 15.000 vers sans avoir un héros ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide*
* Et vous verrez que ce n’est peut-être pas si totalement vrai qu’il n’y en ait pas.
Vous voulez découvrir un livre qui bouscule toutes vos certitudes, vous déloge de votre confort, vous fasse perdre vos repères et, sous le choc de sa lecture, vous fasse soudain voir le monde – le monde en général, mais aussi celui qui vous entoure, ce cours d’eau qui passe, cette fleur dans votre jardin, le chien du voisin – avec des yeux neufs ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous vous demandez comment un livre, par la vision du monde dont il était porteur, a pu représenter pour le pouvoir une telle provocation qu’il a contribué à la relégation définitive de son auteur aux confins de l’Empire romain ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous pensez que les Grecs et les Romains de l’Antiquité n’étaient pas conscients de la fragilité des écosystèmes, de l’impact de l’action humaine sur la planète et des cataclysmes (réchauffement, inondations…) qu’elle peut provoquer, mais aussi de l’immense résilience de la nature et de la réponse qu’elle apporte à la folie des hommes, quitte à continuer à exister sans eux s’ils ne comprennent pas le message et ne prennent pas les mesures qui s’imposent* ?
* Indice : cette réponse figure dans le titre du poème.
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous vous demandez si la littérature – et peut-être l’art en général – peut changer le monde ? Vous avez la certitude que oui ? Vous avez la certitude que non ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous voulez lire une œuvre dont la fraîcheur, la nouveauté et la beauté traversent les modes et qui, depuis un peu plus de deux millénaires, n’a jamais cessé d’inspirer l’art sous toutes ses formes, des fresques de Pompéi à Picasso en passant par Nicolas Poussin, du Bernin à Rodin, des musiciens des xive et xve siècles à Benjamin Britten, des pantomimes romaines aux spectacles de théâtre, de danse et de cirque contemporains, de la bande dessinée au cinéma ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide
Vous avez détesté le latin quand vous étiez élève et vous pensez que cette langue morte qui vous résistait et à laquelle vous résistiez ne peut pas avoir produit quoi que ce soit qui puisse vous intéresser et vous plaire ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide*
* Si possible dans une édition bilingue, et il est possible que vous regardiez de temps en temps le texte latin et qu’en découvrant en VO les mots de Daphné poursuivie par Apollon, d’Actéon sur le point d’être dévoré par ses propres chiens, de Narcisse comprenant que c’est de lui-même qu’il est amoureux ou de Dryope dont le corps se recouvre peu à peu d’écorce, vous vous disiez : « Que c’est beau ! »
Vous aimez trop le latin et la poésie pour imaginer qu’un texte latin en vers puisse être correctement traduit en français ?
Lisez les Métamorphoses d’Ovide*
* … dans la récente, audacieuse et puissante traduction de l’écrivaine Marie Cosnay aux Éditions de l’Ogre (2017).

Bref, comme le dirait Jeanne Siaud-Facchin : méditez. Méditez tout court, si vous le souhaitez. Méditez sur les Métamorphoses d’Ovide, qui sont elles-mêmes une méditation incroyablement forte, juste et actuelle sur le monde et l’humanité. Quand une telle panacée s’offre aussi facilement à nous, il peut valoir la peine d’en tenter l’expérience.

Hélène Vial,
Maître de conférences HDR de latin – Université Clermont Auvergne
Actualités des études anciennes, ISSN format électronique : 2492.864X, 20/12/2019, https://reainfo.hypotheses.org/19323.



samedi 23 novembre 2019

Un peu de lecture

Voici un livre qui devrait nous aider à passer plus agréablement les mornes soirées d'automne...
Il s'agit d'un ouvrage de Nicola Gardini, dont la traduction française vient de paraître aux Editions de Fallois, et qui s'intitule Avec Ovide.


Quel en est le propos ?
Voici ce qu'en dit l'éditeur :

"Cet essai non conventionnel, dépourvu de tout caractère académique, ne se contente pas de jeter une lumière nouvelle sur l’un des grands poètes de la latinité.
Il invite à une réflexion très actuelle sur l’importance et l’art de redécouvrir les classiques.
Pourquoi Ovide? Parce que, plus encore que Virgile, c’est l’une des sources les plus fécondes de la poésie et de l’art occidentaux.
Montaigne nous dit que c’est avec lui qu’il prit « le goût des livres » et c’est avec lui que d’innombrables générations ont découvert les beautés de la mythologie. La poésie et l’art lyrique ont puisé à pleines mains depuis la Renaissance dans son œuvre majeure – Les Métamorphoses.
Tout cela a été dit maintes fois.
Le propos de Nicola Gardini est plus original.
Dans l’esprit d’une certaine critique moderne qui s’efforce de dépasser la recherche érudite pour accéder, par l’étude des seuls textes, à la pensée intime d’un auteur, à sa vision personnelle, à son «moi profond», Nicola Gardini – pour reprendre l’expression, désormais célèbre de Marcel Proust – met au jour le principe unificateur qui se retrouve dans toutes les œuvres du poète.
Ce principe, c’est la loi du changement, l’instabilité, la mutation constante des formes vivantes et, par voie de conséquence, celles des sentiments, des États, des relations entre tous les éléments de l’univers.
C’est, bien sûr, le thème des Métamorphoses, mais il est ébauché dès ses premiers recueils considérés souvent à tort comme de simples badinages (l’Art d’aimer, les Annales, les Remèdes à l’amour) et repris, avec plus de gravité, dans les grands poèmes de l’exil (les Tristes, les Pontiques).
Ovide (43 av. JC – 18 ap. JC) avait tous les dons requis pour devenir le grand poète national de la Rome impériale après Virgile (70-19 av. JC). Il avait d’ailleurs célébré dans Les Fastes les fêtes du calendrier romain.
Il fut pourtant exilé brusquement par Auguste en 8 ap. JC et finit ses jours misérablement sur les bords de la mer Noire – autant dire au milieu des Barbares.
On a formulé de nombreuses hypothèses sur cette sentence. Aucun historien, en deux mille ans, n’a pu trouver des raisons certaines.
Pour Nicola Gardini, une évidence s’impose : le principe d’instabilité et d’incertitude, que l’on découvre au cœur de ses livres, est radicalement incompatible avec l’idéologie impériale qui suppose la fixité de l’ordre sismique, la stabilité des relations entre les êtres, la rectitude du devenir historique. Pour Auguste, Ovide était donc «un dangereux esprit», comme Fénelon aux yeux de Louis XIV.
Mais c’est aussi cette incompatibilité et le caractère imprévisible des changements chantés avec tant d’éloquence par Ovide qui confèrent à son œuvre, pour nous, son éternelle jeunesse."

Bonne lecture !

vendredi 22 novembre 2019

D'Iris à Isis

La discographie baroque vient de s'enrichir d'un nouvel opus avec la publication d'Isis de Lully et Quinault (1677), par Les Talens lyriques, sous la direction de Christophe Rousset.


Voici ce que nous apprend Classiquenews sur le contexte de sa création.

"Cinquième tragédie en musique conçue par Lully et Quinault, Isis témoigne évidemment des faits marquants du royaume de Louis XIV : le prologue et son contenu encomiastique fait référence à la guerre de Hollande, aux victoires de la marine royale (Neptune paraît) ; c’est somme toute un préalable « ordinaire » et habituel pour une tragédie en musique, comme bientôt à Versailles, la vaste Galerie des glaces a son plafond peint de toutes les batailles du roi guerrier. Sur le plan esthétique et lyrique, Isis qui n’a rien d’égyptien (sauf à l’énoncé final de l’avatar de Io en … Isis, nouvelle déesse honorée sur les rives du Nil) , marque un tournant tout en prolongeant les opus précédents (Cadmus et Hermione, 1673, ; Alceste, 1674 ; Thésée, 1675 et Atys, 1676). Créé devant le Roi à Saint-Germain en Laye, le 5 janvier 1677, Isis est l’une des premières tragédies lyriques nécessitant les machineries (comme plus tard et dans des proportions plus amples et spectaculaires : Persée)… L’acte IV regroupe les épisodes les plus spectaculaires : ceux des supplices inventés par la jalouse et sadique Junon contre Io : frimas glaçants, forges brûlantes, puis arrêt des Parques, elles aussi inflexibles quant à la souffrance de la pauvre et si démunie nymphe aimée de Jupiter… La salle d’opéra de St-Germain, dessinée par Carlo Vigarini (qui en l’occurrence dessine machineries et décors), permet les changements à vue, les vols divins et son parterre peut contenir jusqu’à 650 spectateurs.


Le site est alors puisque Versailles n’existe pas encore, le lieu des représentation royales par excellence. Thésée et Atys y ont déjà été créés. Ayant abandonné la pratique de la danse, le Roi à 37 ans, se passionne surtout dès 1675 pour l’opéra. Chaque ouvrage est présenté devant le souverain très interventionniste (participant au choix des sujets voire aux situations dramatiques), pendant le Carnaval puis repris à Paris. Après Isis, paraîtront encore Proserpine (1680), Le Triomphe de l’Amour (1681), Phaéton (1683) et Roland (1684).
Lully réserve le rôle titre à Marie Aubry, déjà célèbre car elle fut Sangaride dans Atys l’année précédente. A Mlle de Saint-Christophle, ailleurs déesse ou sorcière colérique – elle fut Cybèle dans Atys, revient le personnage rival d’Isis, la fière et haineuse voire barbare Junon.
Comme tous les opéras présentés devant Louis XIV, chaque discipline n’a qu’un but : incarner le prestige et la grandeur de la Cour de France, celle du Roi-Soleil ; l’orchestre d’Isis est important, rien à voir avec les petits ensembles baroqueux dont le public contemporain est familier. Il regroupe jusqu’à 100 instrumentistes, dont les trompettes de la Grande Écurie (qui accompagnent la Renommée et sa suite dans le prologue) et les membres du clan Hotteterre (Louis, Jean, Nicolas, Jeannot) célèbres flûtistes particulièrement exposés dans le divertissement de l’acte III qui évoque la nymphe Syrinx. A la puissance déclamatoire de l’orchestre répond le luxe et le raffinement des costumes dessinés par Jean Bérain.
En répétitions, à Saint-Germain dès le moins de novembre 1676, soit deux mois avant la création, Isis est au cours de sa genèse et des séances préparatoires, promis à un grand succès : en décembre, Quinault lit en avant-première son texte d’après Ovide (livre I) ; le poète baroque français écarte l’épisode où Jupiter amoureux change Io en génisse ; il préfère plutôt traiter l’épisode où le dieu de l’Olympe cache sa maitresse Io, dans une nuée, afin de la protéger des foudres de son épouse, l’irascible et jalouse Junon. Les auditeurs sont enthousiastes. Rien ne laissait présager l’accueil final de l’opéra déclamé, en définitive plutôt réticent, ni l’exil dont allait être victime Quinault. La Montespan se reconnaissant dans le figure de Junon, et ici Io / Isis incarnant la dernière proie du roi égrillard, Isabelle de Ludres, dans les faits historiques, vraie rivale de la maîtresse en titre, obtint du Roi la disgrâce du poète. On ne se moque pas de la Favorite officiel du Soleil : Athénaïs règne sur le cœur de Louis. Isis fut un opéra rapidement remisé dans les placards du scandale et de la honte."

Bonne écoute !

samedi 16 novembre 2019

Une heure avec Ovide...

Vous voulez passer une heure avec Ovide ?...
Rien de plus simple : écoutez en replay l'émission "Ça peut pas faire de mal" de Guillaume Gallienne sur France Inter, consacrée aujourd'hui aux Métamorphoses...

https://www.franceinter.fr/emissions/ca-peut-pas-faire-de-mal


Merci à Daniel, grand ami d'Ovide, de me m'avoir signalé !...
Et bonne écoute à vous !...

vendredi 8 novembre 2019

Iris

Voici deux fois en quelques jours qu'Iris vient visiter Lachapelle...
Une première fois, par le nord-ouest de la colline...


Une deuxième fois, aujourd'hui, par le sud-est...



Sois la bienvenue, messagère des dieux...
Et puisses-tu nous apporter leur  bienveillante protection...

dimanche 3 novembre 2019

Animus

Je viens de découvrir le travail de Laure Boin, et j'ai hâte de partager avec vous ma découverte.


Elle ne revendique pas de filiation ovidienne pour sa série "Animus". Mais ses Biches - tel est le titre de ce dessin - me semblent tout droit sorties des Métamorphoses...

Et que dire de ce Marceau si ce n'est qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à Narcisse ?



Quant à son Grand cerf, n'est-ce pas sous ses traits que l'on se représenterait Actéon ?


Vous voulez, vous aussi, retrouver chez Laure Boin l'univers de la métamorphose ?
Voici donc le lien de son site : http://www.laureboin.com/series/animus/
Et si vous voulez voir ses oeuvres, rendez-vous à la N5 GALERIE, 5 rue Sainte Anne 34000 Montpellier (09 81 05 39 75) du 5 novembre au 31 décembre. 
Je suis sûr que vous allez adorer...


mercredi 30 octobre 2019

A vos plumes...

Une journée d'études sur 'le désir de métamorphose' est annoncée pour le 22 octobre 2020. Elle aura lieu à l'université Toulouse II - Jean Jaurès, et elle est organisée par Corinne Bonnet, professeure d'histoire grecque à l'UT2J et Cristina Noacco, maître de conférences de littérature française médiévale à l'UT2J. Voici l'appel à communication qu'elles ont lancé :


Journée d’études ELH-ERASME
22 octobre 2020

Université de Toulouse 2 Jean Jaurès


Le désir de métamorphose


Appel à communication

Depuis l’Antiquité et jusqu’à l’époque contemporaine, l’homme s’est toujours interrogé sur les limites de sa nature et sur la possibilité de les repousser. À travers les langages les plus différents (philosophique, religieux, médical, littéraire, musical, scientifique, historiographique…), il a tenté de représenter ou de s’attribuer le pouvoir de métamorphose sur la nature, sur autrui et sur lui-même. La supposition d’un état originaire de l’homme comprenant toute les formes de l’Être, le pouvoir de transformation qu’il a reconnu aux dieux gréco-romains, les nouvelles formes de vie après la mort dans lesquelles il a cru, la pierre philosophale qu’il a tenté de produire, ainsi que les transformations du corps qu’il a produites par des opérations chirurgicales et celles des corps sociaux également produites par les passions humaines n’en sont que quelques exemples, rattachés respectivement aux domaines de la philosophie, de la mythologie, de la religion, de l’alchimie, de la chirurgie et de l’histoire sociale.

Les tentatives par l’homme d’augmenter son emprise sur la matière n’ont donc pas été seulement de l’ordre de la représentation (mentale, littéraire, iconographique ou musicale) : à travers ses connaissances et ses techniques (pré)scientifiques, il a apporté des modifications concrètes sur la forme de la nature et sur les caractéristiques de la matière (de même que le forgeron, en chauffant le fer, en modifie la qualité de la dureté, avant même de lui attribuer une forme nouvelle). L’aventure scientifique de l’homme pour la conquête du pouvoir de métamorphose va donc de pair avec le rêve de s’élever en tant que démiurge maîtrisant la matière et ses lois naturelles.

Faire tomber les barrières entre le Moi, autrui et la nature, briser les règles de rattachement des êtres à leur espèce et à leur règne naturel, pouvoir collaborer avec Dieu, voire se substituer à lui, dans la re-création du monde et dans son amendement : telle est la nature du désir de métamorphose que cette enquête se propose d’analyser, à travers des études qui, par des approches et dans des domaines différents, tiennent compte des limites de la nature humaine et du constat regretté de sa finitude.

La métamorphose, telle qu’elle sera considérée dans cette enquête, désigne le passage, durable ou transitoire, d’une forme à une autre, d’un corps à un autre, soit qu’il représente un changement de l’apparence extérieure, soit qu’il rende visible les caractères de l’essence propre au corps. Autrement dit, il peut y avoir une métamorphose accidentelle, des apparences, et une métamorphose ontologique, de l’être.

Les contributions de cette journée d’études tenteront de réfléchir aux différentes formes et techniques de représentation et de production de la métamorphose, de l’Antiquité à nos jours, non seulement à travers une approche scientifique, historique et anthropologique, mais également à travers l’interprétation de la représentation littéraire, symbolique et artistique qui en a été donnée au fil des siècles. Les études théoriques se conjugueront avec les contributions plus spécifiques consacrées aux images que la philosophie, la religion, l’histoire, la littérature, le folklore, les arts figuratifs et la musique ont proposées afin d’illustrer la métamorphose. La réflexion pourra également porter sur la terminologie utilisée pour définir la métamorphose et pour la distinguer de ses concepts avoisinants (anamorphose, catabase, travestissement, variation, mutation…).

Ce projet s’inscrit dans le prolongement d’une enquête menée par Véronique Adam et Cristina Noacco sur La métamorphose et ses métamorphoses dans les littératures européennes. Histoire d’un décentrement (colloque dont les actes ont paru aux Presses du Centre universitaire Champollion, Albi, 2010). L’appel à communication est ouvert aux membres des trois composantes du laboratoire PLH (Patrimoine, Littérature, Histoire) de l’Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès, ainsi qu’aux enseignants-chercheurs des autres composantes de l’UT2J et d’autres universités. Un prolongement de cette journée d’études sera envisagé en 2022 ou en 2023 par l’organisation d’un colloque. Les actes des deux manifestations seront alors réunis dans une seule publication.

Si vous êtes intéressé à participer à cette journée d’études, nous vous remercions de nous transmettre, pour le 31 mars 2020, un titre et un bref résumé de votre article.

Avec nos remerciements anticipés.
Les responsables du projet

Corinne Bonnet, PR d’Histoire grecque, PLH/ERASME, UT2J, corinne.bonnet@univ-tlse2.fr
Cristina Noacco, MCF de Litt. française médiévale, PLH/ELH, UT2J, cnoacco@yahoo.fr

                                               
 

Que celles et ceux qui éprouvent un désir de 'désir de métamorphose' se fassent connaître...

lundi 21 octobre 2019

Tirésias à Rabastens


Oliviero Vendraminetto, un ami d'Ovide, me fait savoir que le spectacle Tirésias ou le droit d'aimer sera proposé très prochainement à Rabastens.
Bon spectacle !


jeudi 17 octobre 2019

Il est arrivé !...

Découvrez l’ouvrage « Ovide, le transitoire et l’éphémère. Une exception à l’âge augustéen ? » d’Hélène Casanova-Robin et de Gilles Sauron.


Grâce au regard croisé de spécialistes de la poésie ovidienne et d'historiens de l'art romain, est ici explorée la caractéristique la plus originale de la poésie ovidienne, dans son articulation avec la pensée politique, intellectuelle et esthétique de l'âge augustéen.

dimanche 13 octobre 2019

Ovide et Montaigne

On se souvient des multiples citations de Sénèque qui émaillent les Essais de Montaigne. Mais on se doute peut-être moins de la fréquence avec laquelle Ovide y est mentionné, de l'importance que le penseur accorde au poète.
Pour nous le rappeler, rien ne vaut un retour aux sources. Je vous propose de le faire en compagnie de Jo Lavie, professeur de français à la retraite, qui a entrepris de transposer en français moderne des extraits des Essais. Merci à elle de m'avoir amicalement autorisé à reproduire ici ceux qui concernent Ovide.



Tome I, chapitre XXVI
Mon premier amour pour les livres, je le dois au plaisir que j’eus à lire les Métamorphoses d’Ovide. Car aux environs de sept ou huit ans, je renonçais à tout autre plaisir pour celui de les lire, d’autant plus que cette langue était comme ma langue maternelle, que c’était le livre le plus facile que je connusse, et le plus adapté à mon âge par son contenu. 
Car des Lancelots du Lac, des Amadis, des Huons de Bordeaux, et tel fatras de livres à quoi l’enfance s’amuse, je n’en connaissais pas seulement le nom.

Tome II, chapitre X
Parmi les livres simplement agréables, je trouve chez les modernes : le Décaméron de Boccace, Rabelais, et les Baisers de Jean Second (si on peut les mettre dans cette catégorie) méritent qu’on y consacre un peu de temps. Quant aux Amadis et aux écrits de ce genre, ils n’ont même pas eu de succès auprès de moi dans mon enfance. Je veux dire encore ceci, audacieusement ou témérairement : ma vieille âme un peu lourde ne se laisse plus volontiers chatouiller par les charmes non seulement de l’Arioste, mais même par ceux du brave Ovide ; sa facilité et ses inventions, qui m’ont ravi autrefois, c’est à peine si elles me parlent encore maintenant.
Tome II, chapitre XII
Remarquons d’ailleurs que nous sommes le seul animal dont la nudité offense ses semblables, et le seul qui doit se cacher de ceux de son espèce pour satisfaire ses besoins naturels. C’est aussi un aspect digne de considération que ceux qui sont les maîtres en la matière prescrivent comme remède aux passions amoureuses la vue entière et libre du corps convoité, et prétendent que pour refroidir l’affection, il n’est besoin que de voir librement ce que l’on aime :
Qui découvre au grand jour les secrètes parties du corps de l’être aimé,
sent sa passion s’éteindre au milieu des transports.
Ovide, Remèdes à l'amour, 429
***
On raconte aussi l’histoire d’un dragon amoureux d’une fille, celle d’une oie éprise d’un enfant, dans la ville d’Asope, et d’un bélier faisant sa cour à la musicienne Glaucia. Et l’on voit couramment des singes furieusement épris d’amour pour des femmes, et l’on voit aussi certains animaux mâles s’adonner à l’amour de leurs congénères du même sexe.
Quelques exemples montrent le respect que les animaux attachent à la parenté lors de leurs mariages, mais l’expérience nous montre bien souvent le contraire :
La génisse n’a pas honte de se livrer à son père,
Et la pouliche au cheval dont elle est née ;
Le bouc s’unit aux chèvres qu’il a engendrées,
Et l’oiselle à l’oiseau qui lui donna le jour.
Ovide, Métamorphoses, X, 325
***
Et que dire de l’intelligence de Pygmalion, si troublé par la vue de sa statue d’ivoire qu’il l’aime et la courtise comme si elle était vivante !
Il la couvre de baisers et croit qu’elle y répond ; il la saisit, l’embrasse, il croit sentir
son corps fléchir sous ses doigts ; il craint, en la pressant, de laisser une empreinte livide.
Ovide, Métamorphoses, X, 243-245

Tome III, chapitre IV
Atalante, jeune fille d’une beauté extrême et d’une étonnante agilité, fit savoir à la foule des soupirants qui la demandaient en mariage qu’elle accepterait celui qui l’égalerait à la course, mais à la condition que ceux qui n’y parviendraient pas en perdraient la vie, et plus d’un estimèrent que le prix valait la peine de courir le risque de ce cruel marché. Hippomène, ayant à faire son essai à son tour, s’adressa à la déesse patronne de cette amoureuse ardeur, l’appelant à son secours ; celle-ci, exauçant sa prière, le munit de trois pommes d’or, et lui enseigna comment s’en servir. Le départ de la course une fois donné, quand Hippomène sentit sa maîtresse sur ses talons, il laissa échapper, comme par inadvertance, une des pommes, et elle, captivée par la beauté de l’objet, ne manqua pas de se détourner pour la ramasser :
La fille est saisie d’étonnement, et conquise par le fruit brillant,
Se détourne de sa course, et ramasse cet or qui roule.
Ovide, Métamorphoses, X, 666-667
Il en fit autant, au bon moment, avec la deuxième et la troisième, jusqu’au moment où, grâce à cette ruse et cette diversion, l’avantage de la course lui fut acquis.

Tome III, chapitre V
Lucullus, César, Pompée, Antoine, Caton et d’autres grands hommes ont été cocus et l’apprirent sans que cela fasse grand bruit. Il n’y eut en ce temps-là que ce sot de Lépide qui en mourut d’angoisse. Et le dieu de Virgile [Vulcain], quand il surprit sa femme avec l’un de ses compagnons [le dieu Mars], se contenta de leur faire honte,
Et l’un des dieux, et non des plus austères, aimerait encourir un pareil déshonneur.
Ovide, Métamorphoses, IV, 187-188

Tome III,  chapitre XIII
Jeune, je me suis prêté autant licencieusement et inconsidérément qu’un autre au désir qui me saisissait.
Et j’ai combattu non sans gloire
Horace, Odes, III, 26, 2
mais plus toutefois, en durée et en constance qu’en saillie [exploits] :
Je me souviens à peine d’y être allé six fois
Ovide, Amours, III, 7, 26.
a
[Allusion aux rapports sexuels dont Christophe Bardyn dit qu’ils étaient brefs pour Montaigne en raison de la petite taille de son sexe. « Six fois », c’est quand même un exploit ! ]
Certes, il m’est pénible, mais extraordinaire aussi, de confesser combien j’étais jeune quand je me suis trouvé pour la première fois soumis à Cupidon ! Ce fut vraiment par hasard, car c’était bien avant d’avoir l’âge de savoir ces choses et d’être capable de choisir. Les souvenirs que j’ai de moi-même ne remontent guère aussi loin... [Selon certains, il insinuerait avoir été caressé et masturbé par sa nourrice.] Et l’on peut joindre mon sort à celui de Quartilla qui ne se souvenait pas d’avoir été vierge.

N. B. : Les passages entre crochets droits sont des ajouts de Jo Lavie.