dimanche 18 mai 2025

Note de lecture : Opium pour Ovide, de Yoko Tawada

Si vous avez laissé passer, lors de sa publication aux éditions Verdier en 2002, Opium pour Ovide, de la romancière contemporaine Yoko Tawada, voici une note de lecture qui vous donnera sûrement envie de vous plonger dans cette oeuvre. Vous la trouverez sur le blog "Charybde 27". Merci à Marie de me l'avoir communiquée !

https://charybde2.wordpress.com/2017/02/23/note-de-lecture-opium-pour-ovide-yoko-tawada/

Et, pour vous mettre l'eau à la bouche, voici un court extrait du premier des vingt-deux chapitres du livre, chacun étant consacré à une femme qui porte le nom d'une héroïne des Métamorphoses, et a quelque raison de le porter...

"Léda entra dans la baignoire. La porte de la salle de bains était fermée. Léda avait les deux bras paralysés. Cela l’empêchait de se laver, mais elle refusait l’aide d’autrui. Elle ne voulait plus montrer son corps nu, disait-elle, il n’en valait plus la peine. Bien plus tard, une question me vient à l’esprit : on désire plus une vieille maison qu’une maison neuve ; on admire plus souvent un arbre tricentenaire qu’un arbre de trois ans ; plus une théière, un livre et une maison sont anciens, plus on est sensible à leur beauté. Pourquoi en irait-il autrement des humains ? "

En bonus, le lien des éditions Verdier :

ttps://editions-verdier.fr/livre/opium-pour-ovide/

Bonne lecture !



dimanche 4 mai 2025

Dieu est né en exil

Il est tentant, pour un écrivain, d'imaginer ce qu'aurait pu être le journal d'exil d'Ovide. Vintila Horia s'y était essayé avec Dieu est né en exil, publié en 1960 et couronné du prix Goncourt, lequel ne lui fut finalement pas décerné pour cause de compromission avec le fascisme. Le Canard enchaîné nous en dit plus long à ce sujet. Merci à Marie, grande amie d'Ovide, de m'avoir communiqué la photographie de l'article :


Le Canard nous dit aussi que l'ouvrage en question vient de faire l'objet d'une réédition aux éditions Noir sur blanc.



Voici le mot de l'éditeur :

"Poète à la mode fêté par Rome, Ovide fut frappé par Auguste d'une sentence d'exil. Relégué à Tomes, garnison romaine sur le Pont-Euxin, il ne cessa d'implorer sa grâce, en vain. Ovide, homme heureux, avait été poète futile. Mais ce poète érotique et léger, Horia nous le montre se transformant en exil à partir du moment où il découvre que l'« on peut donc mourir avant d'être mort pour de bon ». Peu à peu, il pressent, puis découvre une autre vérité. Qui apportera aux hommes qui souffrent la parole de la paix ? Il devine qu'un jour « les hommes la trouveront, cette parole, comme une fleur étrange au bord d'une longue route ». Et si ses souffrances avaient été voulues par une puissance divine qui avait résolu de le contraindre à s'élever au-dessus de lui-même ? Et si le Dieu nouveau était un homme comme lui, un homme de douleur et promis à la mort ? Ce que le médecin grec Théodore lui révèle enfin, c'est que tout ce qu'il espère est vrai, qu'un enfant des hommes est venu sur terre pour assumer leur angoisse et leurs espérances. À Bethléem de Judée, « Dieu est né en exil »."

https://www.leseditionsnoirsurblanc.fr/catalogue/dieu-est-ne-en-exil/

Bonne lecture, que vous souhaitiez découvrir ou redécouvrir...


vendredi 2 mai 2025

Pi/ygmalion

Les amateurs de musique baroque se réjouiront de la récente parution sous le label "Château de Versailles" de l'acte de ballet de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) Pigmalion, par l'ensemble Il Caravaggio, sous la direction de Camille Delaforge.

Comme un bonheur ne vient jamais seul, à l'oeuvre de Rameau s'ajoutent une cantatille d'Antoine Bailleux (v. 1720 - v. 1798) et, cerise sur le gâteau, une page de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).


Pour plus de détails :

"Cette nouvelle publication du label Château de Versailles Spectacles est le fruit de la réflexion personnelle de Camille Delaforge, directrice de l’ensemble Il Caravaggio qu’elle a fondé sous le patronage spirituel et post mortem du Caravage, le grand et turbulent peintre italien. C’est la théâtralité et la violence de ce dernier qui dicte aux interprètes une expressivité intense si propre à la sensibilité baroque. Le mythe de Pygmalion, exprimé ici par les œuvres de Rameau, Bailleux et Lully, exprime bien sûr différents aspects de la légende mais vient aussi poser la question de la place de l’art dans une vie d’artiste. Pour Camille Delaforge, c’est aussi une réflexion sur la place de la femme réduite ici à une simple création masculine et « un prétexte pour sonder ce que signifie donner vie à l’inanimé » dans la création artistique. Ce questionnement était probablement celui de Rameau dans cette œuvre surprenante qui apparaît comme une sorte d’aveu de son propre génie. Postérieur d’une douzaine d’années à celui de Rameau le Pygmalion d’Antoine Bailleux est une « cantatille » (petite cantate de chambre) écrite « dans le goût italien » si prisé en France après l’épisode de la Querelle des bouffons, dans la mouvance de Pergolesi. Le programme se termine par un retour en arrière avec le Récit de la Beauté extrait du Mariage forcé réunissant Molière et Lully." © François Hudry/Qobuz

Et, pour le plaisir, ces quelques vers extraits des Métamorphoses :

Vint le jour où tout Chypre fêtait solennellement                          
Vénus. On avait immolé des génisses au cou de neige,
Aux cornes recourbées rehaussées d’or ; on avait fait
Brûler de l’encens ; les rites accomplis, Pygmalion,
Devant l’autel, dit, plein de crainte : « Si vous pouvez, ô dieux,
Tout accorder, donnez-moi pour épouse » — il n’osa dire
 « La vierge d’ivoire » —, « une femme qui lui soit semblable. »
Vénus d’or assistait personnellement à ses fêtes ;
Elle comprit le sens du vœu et, signe favorable,
Trois fois dans l’air jaillit la flamme en trois langues de feu.
A son retour, il va voir sa statue, se penche sur                             
La jeune fille et l’embrasse ; il lui semble qu’elle est tiède.
Il approche encore ses lèvres, et lui palpe le sein ;
Sous sa main, l’ivoire mollit et perd sa dureté,
Il cède sous ses doigts, comme la cire de l’Hymette
S’amollit au soleil et prend sous le pouce qui la                            
Travaille des formes toujours plus propres au travail.
Stupéfait, plein de joie, de doute, et craignant une erreur,
L’amant ne cesse de toucher l’objet de tous ses vœux ;
Il est de chair : les veines battent au contact du pouce.
Alors le héros de Paphos se répand en actions                               
De grâces pour Vénus, et ses lèvres pressent enfin
De vraies lèvres. La jeune fille a bien senti les baisers
Qu’il lui donne ; rougissant, elle a levé timidement
Les yeux vers la lumière, a vu le ciel et son amant.
La déesse assiste au mariage — c’est son œuvre — ; et quand     
Neuf fois la lune eut rapproché ses cornes en un disque
Naquit Paphos, de laquelle l’île tire son nom.

Métamorphoses, X, 270-297