Les amateurs de musique baroque se réjouiront de la récente parution sous le label "Château de Versailles" de l'acte de ballet de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) Pigmalion, par l'ensemble Il Caravaggio, sous la direction de Camille Delaforge.
Comme un bonheur ne vient jamais seul, à l'oeuvre de Rameau s'ajoutent une cantatille d'Antoine Bailleux (v. 1720 - v. 1798) et, cerise sur le gâteau, une page de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
Pour plus de détails :
"Cette nouvelle publication du label Château de Versailles Spectacles est le fruit de la réflexion personnelle de Camille Delaforge, directrice de l’ensemble Il Caravaggio qu’elle a fondé sous le patronage spirituel et post mortem du Caravage, le grand et turbulent peintre italien. C’est la théâtralité et la violence de ce dernier qui dicte aux interprètes une expressivité intense si propre à la sensibilité baroque. Le mythe de Pygmalion, exprimé ici par les œuvres de Rameau, Bailleux et Lully, exprime bien sûr différents aspects de la légende mais vient aussi poser la question de la place de l’art dans une vie d’artiste. Pour Camille Delaforge, c’est aussi une réflexion sur la place de la femme réduite ici à une simple création masculine et « un prétexte pour sonder ce que signifie donner vie à l’inanimé » dans la création artistique. Ce questionnement était probablement celui de Rameau dans cette œuvre surprenante qui apparaît comme une sorte d’aveu de son propre génie. Postérieur d’une douzaine d’années à celui de Rameau le Pygmalion d’Antoine Bailleux est une « cantatille » (petite cantate de chambre) écrite « dans le goût italien » si prisé en France après l’épisode de la Querelle des bouffons, dans la mouvance de Pergolesi. Le programme se termine par un retour en arrière avec le Récit de la Beauté extrait du Mariage forcé réunissant Molière et Lully." © François Hudry/Qobuz
Et, pour le plaisir, ces quelques vers extraits des Métamorphoses :
Vint le
jour où tout Chypre fêtait solennellement
Vénus. On
avait immolé des génisses au cou de neige,
Aux cornes
recourbées rehaussées d’or ; on avait fait
Brûler de
l’encens ; les rites accomplis, Pygmalion,
Devant
l’autel, dit, plein de crainte : « Si vous pouvez, ô dieux,
Tout
accorder, donnez-moi pour épouse » — il n’osa dire
« La vierge d’ivoire » —, « une
femme qui lui soit semblable. »
Vénus d’or
assistait personnellement à ses fêtes ;
Elle
comprit le sens du vœu et, signe favorable,
Trois fois
dans l’air jaillit la flamme en trois langues de feu.
A son
retour, il va voir sa statue, se penche sur
La jeune
fille et l’embrasse ; il lui semble qu’elle est tiède.
Il
approche encore ses lèvres, et lui palpe le sein ;
Sous sa
main, l’ivoire mollit et perd sa dureté,
Il cède
sous ses doigts, comme la cire de l’Hymette
S’amollit
au soleil et prend sous le pouce qui la
Travaille
des formes toujours plus propres au travail.
Stupéfait,
plein de joie, de doute, et craignant une erreur,
L’amant ne
cesse de toucher l’objet de tous ses vœux ;
Il est de
chair : les veines battent au contact du pouce.
Alors le
héros de Paphos se répand en actions
De grâces
pour Vénus, et ses lèvres pressent enfin
De vraies
lèvres. La jeune fille a bien senti les baisers
Qu’il lui
donne ; rougissant, elle a levé timidement
Les yeux
vers la lumière, a vu le ciel et son amant.
La déesse
assiste au mariage — c’est son œuvre — ; et quand
Neuf fois
la lune eut rapproché ses cornes en un disque
Naquit
Paphos, de laquelle l’île tire son nom.
Métamorphoses, X, 270-297