Terminons notre balade génoise par la visite de la Villa del Principe.
Elle fut édifiée entre 1525 et 1533 par Adrea Doria, un condottiere originaire de Gênes et qui avait mis ses talents de général et plus encore d'amiral au service des grands de son temps : le pape Innocent VIII, Ferdinand Ier d'Aragon, François Ier, Charles Quint... C'est dans cette Villa qu'il avait souhaité passer un honnête loisir, après s'être retiré des affaires et avoir accru avec constance et détermination la puissance de Gênes.
Une statue de Neptune, dans le jardin de la Villa, nous rappelle les accointances entretenues par le grand amiral avec le dieu des mers. Une voie rapide surélevée, spécialité génoise, témoigne peut-être de la gratitude de la cité ligure envers son bienfaiteur...
Au premier étage de la Villa, Perin del Vaga, l'architecte d'Andrea Doria, avait conçu une décoration inspirée des Métamorphoses. Mais le temps et les bombardements de la Deuxième Guerre mondiale lui ont gravement porté atteinte.
On peut par contre admirer dans toute leur richesse quelques tapisseries illustrant le cycle des mois, tissées à Bruxelles autour de 1525. Voici celle qui est consacrée au mois de janvier et au dieu qui lui donne son nom, Janus...
On le voit vêtu comme un riche génois du XVIe s. avec dans sa main gauche les clés du temps. Mais j'ai personnellement un faible pour son gigantesque chapeau, bien fait pour abriter la double tête du dieu...
Au fait... Pourquoi Janus est-il bifrons ?
Voici la réponse que donne Ovide au livre I des Fastes :
Que dire de toi, Janus, divinité aux deux faces ?
Tu n’as pas ton pareil chez les dieux de
la Grèce.
Explique aussi pourquoi, seul d’entre les
hôtes du Ciel,
Tu vois ce qui est devant, tu vois ce qui
est derrière.
J’agitais ces pensées, tablette en main,
lorsque je vis
Ma maison resplendir d’un éclat inconnu.
Janus le vénérable, à l’étonnant double
profil,
Offrit soudain à mes regards ses deux
visages.
Je pris peur et sentis mes cheveux se
dresser de crainte ;
Un froid soudain s’était répandu dans mon
cœur.
Tenant un bâton dans sa droite, une clef
dans sa gauche,
Il nous dit ces mots de sa bouche de
devant :
« Quitte ta crainte et apprends,
chantre laborieux des jours,
Ce que tu veux savoir ; pénètre-toi de mes
paroles.
Jadis — je suis de l’ancien temps — on me
nommait Chaos ;
Vois de quand datent les faits que je vais
chanter.
Cet air lumineux-ci, et les trois autres
éléments
— Le feu, la terre, l’eau — ne formaient
qu’un amas
De corps antagonistes. Quand survint leur
séparation
Chacun partit pour une nouvelle demeure :
La flamme gagna les hauteurs, l’air
s’installa plus bas,
La terre et le flot prirent le sol pour
assise.
Et moi qui n’étais qu’une boule informe de
matière,
J’acquis les membres et le visage d’un
dieu.
Je porte encore la marque de ma confusion
d’alors,
Offrant même apparence et de face et de
dos.
Quelle est l’autre raison de cette forme
qui t’intrigue ?
En l’apprenant, tu sauras quelle est ma
fonction.
Ce que tu vois, où que ce soit, ciel, mer,
nuages, terre,
Tout est ouvert, tout est fermé par notre
main.
A moi seul est confiée la garde du vaste
monde ;
Faire tourner ses gonds est mon droit
exclusif.
Quand il me plaît que la Paix quitte son
paisible toit,
Libre, elle va, sans s’arrêter, par les
chemins ;
Des massacres sanglants bouleverseront la
terre entière
Si la guerre n’est pas tenue sous les
verrous.
Je garde les portes du Ciel, avec les
tendres Heures :
Jupiter en personne entre et sort grâce à
moi.
Voilà pourquoi on me nomme Janus. »
D’après
Ovide, Fastes, I, 89-127.
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