La nuit suivante, on voit la couronne de la Crétoise :
Le crime de Thésée fit d’elle une déesse.
Elle avait remplacé par Bacchus son époux parjure
– L’ingrat qui reçut d’elle un fil à enrouler.
Heureuse de son sort, « Que j’étais sotte de pleurer,
Dit-elle ; sa trahison a bien tourné pour moi ».
Pendant ce temps Liber, qui avait vaincu les Indiens
Aux cheveux lisses, rentrait riche d’Orient.
Parmi de jeunes prisonnières à la belle allure,
Une princesse était plus que chère à Bacchus.
Son épouse aimante pleurait ; le long du creux rivage,
Elle allait en disant ces mots, échevelée :
« Pour la deuxième fois, flots, écoutez ces mêmes plaintes !
Pour la deuxième fois, sable, absorbe mes larmes !
Je disais, il m’en souvient : “ Traître, parjure Thésée ! ”
Il s’éloigne et Bacchus commet le même crime.
Je crierai encore aujourd’hui : “ Femme, défie-toi des hommes ! ”
Si le traître a changé, la traîtrise est la même.
Ah ! si ma destinée avait alors pu s’accomplir,
Si je pouvais en cet instant n’être plus là…
J’allais mourir sur le sable désert ; pourquoi, Liber,
Me sauvas-tu ? Mes maux auraient pris fin d’un coup.
Léger Bacchus ! Plus léger que ce feuillage à tes tempes !
Toi que je n’ai connu que pour verser des larmes,
Tu as osé conduire sous mes yeux ta concubine,
Mettre en péril un mariage si harmonieux ?
Ta parole, tes serments renouvelés, où sont-ils ?
Hélas ! Combien de fois redirai-je ces mots ?
Tu accusais Thésée ; toi-même le disais perfide.
Ce jugement rend ta trahison plus honteuse.
Gardons tout cela pour nous et brûlons d’un mal secret :
Tant d’abandons pourraient passer pour mérités.
Je souhaiterais avant tout que Thésée n’en sache rien,
Ne puisse savourer de t’avoir pour complice.
La blanche concubine aurait donc chassé la noiraude
Que je suis ? Son teint, je le souhaite à mes rivales !
Mais qu’importe ? C’est ce défaut qui te la rend plus chère !
Que fais-tu ? Elle te salit quand tu l’embrasses.
Sois fidèle, Bacchus, et n’en préfère aucune à mon
Amour d’épouse. Toujours j’aimerai mon mari.
Les cornes d’un beau taureau ont séduit ma mère ; moi,
Les tiennes : à moi l’éloge, à elle l’infamie.
Mon amour ne doit pas me nuire plus que ne t’a nui,
Bacchus, l’aveu que tu nous as fait de ta flamme.
Quoi d’étonnant si tu m’embrases ? Tu naquis dans le feu,
Dit-on, fus arraché au feu par la main de
Ton père. C’est à moi que, souvent, tu promettais le ciel.
Hélas ! En fait de ciel, quels dons ai-je reçus ! »
Elle se tut. Liber se trouvait derrière elle et la
Suivait ; depuis longtemps il écoutait ses plaintes.
Il la prend dans ses bras, sèche ses pleurs sous ses baisers
Et dit : « Gagnons ensemble les hauteurs du ciel !
Tu t’es unie à moi ; ton nom sera uni au mien
Car, métamorphosée, tu seras Libéra.
Et je ferai en sorte que tu aies un souvenir
De la couronne offerte à Vénus par Vulcain,
Par elle à toi ». Il tient parole et, des neuf gemmes, fait
Neuf astres, feux dont brille la Couronne d’or.
Fastes, III, 459-516
Et pour les mélomanes, voici le Lamento d'Arianna de Claudio Monteverdi,
interprété par Anna Caterina Antonacci :
interprété par Anna Caterina Antonacci :
Bonne écoute !
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