https://www.youtube.com/watch?v=dOAq4qPx9Ws
Et si vous voulez connaître la version qu'Ovide propose de cette belle histoire, je vous en propose ma traduction. Bonne lecture !
Pygmalion les avait vues passer
leur vie dans le crime.
Offensé que la femme eût
naturellement l’esprit
Aussi vicieux, il rejetait le
mariage et vivait
Seul[1] ;
longtemps aucune épouse ne partagea son lit.
Cependant, avec un art admirable,
il put sculpter
Dans l’ivoire blanc de neige un
corps de femme plus beau
Que celui d’aucune femme ; et il
s’éprit de son œuvre.
Elle a l’air d’une jeune fille ; on
la croirait vivante
Et, si la pudeur ne la retenait,
prête à bouger :
Tant l’art du sculpteur fait
oublier l’art. Il s’extasie,
Son cœur s’enflamme pour ce corps
qui n’est qu’un simulacre.
Souvent, il porte ses mains sur
l’œuvre — est-ce de la chair ?
De l’ivoire ? Non, de l’ivoire, il ne
saurait l’admettre.
Il donne des baisers, croit qu’on
les lui rend, parle, enlace,
Touche son corps, s’imaginant qu’il
cède sous ses doigts
Et craint, en pressant ses bras,
d’y laisser des marques bleues.
Tantôt il la caresse, tantôt lui
fait les cadeaux
Qu’aiment les jeunes filles : des
coquillages, des cailloux
Polis, des petits oiseaux, des
fleurs aux mille couleurs,
Des lis, des balles peintes, des
larmes versées par l’arbre
Des Héliades ; il la revêt aussi de
beaux vêtements,
Met des pierres à ses doigts, de
longs colliers à son cou,
Des perles à son oreille et des
rubans à son sein.
Tout lui va, et il ne la trouve pas
moins belle nue.
Il étend des tissus de pourpre et
la couche dessus,
L’appelle sa compagne et pose son
cou incliné
Sur un duvet mœlleux, pensant
qu’elle y sera sensible.
Vint le jour où tout Chypre fêtait
solennellement
Vénus. On avait immolé des génisses
au cou de neige,
Aux cornes recourbées rehaussées
d’or ; on avait fait
Brûler de l’encens ; les rites
accomplis, Pygmalion,
Devant l’autel, dit, plein de
crainte : « Si vous pouvez, ô dieux,
Tout accorder, donnez-moi pour
épouse » — il n’osa dire
« La vierge d’ivoire » —,
« une femme qui lui soit semblable. »
Vénus d’or assistait
personnellement à ses fêtes ;
Elle comprit le sens du vœu et,
signe favorable,
Trois fois dans l’air jaillit la
flamme en trois langues de feu.
A son retour, il va voir sa statue,
se penche sur
La jeune fille et l’embrasse ; il
lui semble qu’elle est tiède.
Il approche encore sa bouche, et
lui palpe le sein ;
Sous sa main, l’ivoire mollit et
perd sa dureté,
Il cède sous ses doigts, comme la
cire de l’Hymette
Au soleil s’amollit et prend sous
le travail du pouce
Des formes qui la rendent plus
propre encore au travail.
Stupéfait, plein de joie, de doute,
et craignant une erreur,
L’amant ne cesse de toucher l’objet
de tous ses vœux ;
Il est de chair : les veines
battent au contact du pouce.
Alors le héros de Paphos se répand
en actions
De grâces pour Vénus, et ses lèvres
pressent enfin
De vraies lèvres. La jeune fille a
bien senti les baisers
Qu’il lui donne ; elle a rougi et
levé timidement
Les yeux vers la lumière, a vu le
ciel et son amant.
La déesse assiste au mariage —
c’est son œuvre — ; et quand
Neuf fois la lune eut fait un
disque de ses cornes,
Naquit Paphos, de laquelle l’île tire
son nom.
D'après Ovide, Métamorphoses, X, 253-297
Galatée © Jean-Luc Ramond
[1] Je précise que les femmes
qui ont poussé Pygmalion à se détourner des femmes sont les Propétides, dont
Vénus avait fait les premières prostituées.
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