mercredi 6 septembre 2017

C'est la rentrée...

En ce début de mois de septembre, je voulais vous signaler la parution du CD que Christophe Rousset et Les Talens Lyriques consacrent au Pygmalion de Jean-Philippe Rameau. Vous pourrez en écouter un court extrait en cliquant sur le lien suivant :
https://www.youtube.com/watch?v=dOAq4qPx9Ws
Et si vous voulez connaître la version qu'Ovide propose de cette belle histoire, je vous en propose ma traduction. Bonne lecture !



Pygmalion les avait vues passer leur vie dans le crime.
Offensé que la femme eût naturellement l’esprit
Aussi vicieux, il rejetait le mariage et vivait                                        
Seul[1] ; longtemps aucune épouse ne partagea son lit.
Cependant, avec un art admirable, il put sculpter
Dans l’ivoire blanc de neige un corps de femme plus beau
Que celui d’aucune femme ; et il s’éprit de son œuvre.
Elle a l’air d’une jeune fille ; on la croirait vivante                                       
Et, si la pudeur ne la retenait, prête à bouger :
Tant l’art du sculpteur fait oublier l’art. Il s’extasie,
Son cœur s’enflamme pour ce corps qui n’est qu’un simulacre.
Souvent, il porte ses mains sur l’œuvre — est-ce de la chair ?
De l’ivoire ? Non, de l’ivoire, il ne saurait l’admettre.                                 
Il donne des baisers, croit qu’on les lui rend, parle, enlace,
Touche son corps, s’imaginant qu’il cède sous ses doigts
Et craint, en pressant ses bras, d’y laisser des marques bleues.
Tantôt il la caresse, tantôt lui fait les cadeaux
Qu’aiment les jeunes filles : des coquillages, des cailloux                           
Polis, des petits oiseaux, des fleurs aux mille couleurs,
Des lis, des balles peintes, des larmes versées par l’arbre
Des Héliades ; il la revêt aussi de beaux vêtements,
Met des pierres à ses doigts, de longs colliers à son cou,
Des perles à son oreille et des rubans à son sein.                                          
Tout lui va, et il ne la trouve pas moins belle nue.
Il étend des tissus de pourpre et la couche dessus,
L’appelle sa compagne et pose son cou incliné
Sur un duvet mœlleux, pensant qu’elle y sera sensible.
Vint le jour où tout Chypre fêtait solennellement                                        
Vénus. On avait immolé des génisses au cou de neige,
Aux cornes recourbées rehaussées d’or ; on avait fait
Brûler de l’encens ; les rites accomplis, Pygmalion,
Devant l’autel, dit, plein de crainte : « Si vous pouvez, ô dieux,
Tout accorder, donnez-moi pour épouse » — il n’osa dire                          
« La vierge d’ivoire » —, « une femme qui lui soit semblable. »
Vénus d’or assistait personnellement à ses fêtes ;
Elle comprit le sens du vœu et, signe favorable,
Trois fois dans l’air jaillit la flamme en trois langues de feu.
A son retour, il va voir sa statue, se penche sur                                            
La jeune fille et l’embrasse ; il lui semble qu’elle est tiède.
Il approche encore sa bouche, et lui palpe le sein ;
Sous sa main, l’ivoire mollit et perd sa dureté,
Il cède sous ses doigts, comme la cire de l’Hymette
Au soleil s’amollit et prend sous le travail du pouce                                    
Des formes qui la rendent plus propre encore au travail.
Stupéfait, plein de joie, de doute, et craignant une erreur,
L’amant ne cesse de toucher l’objet de tous ses vœux ;
Il est de chair : les veines battent au contact du pouce.
Alors le héros de Paphos se répand en actions                                             
De grâces pour Vénus, et ses lèvres pressent enfin
De vraies lèvres. La jeune fille a bien senti les baisers
Qu’il lui donne ; elle a rougi et levé timidement
Les yeux vers la lumière, a vu le ciel et son amant.
La déesse assiste au mariage — c’est son œuvre — ; et quand                   
Neuf fois la lune eut fait un disque de ses cornes,
Naquit Paphos, de laquelle l’île tire son nom.
D'après Ovide, Métamorphoses, X, 253-297 

Galatée © Jean-Luc Ramond




[1] Je précise que les femmes qui ont poussé Pygmalion à se détourner des femmes sont les Propétides, dont Vénus avait fait les premières prostituées.

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