Voici longtemps que je voulais vous faire découvrir le travail qu'a inspiré à Marie H. Sirois la fable d'Echo et Narcisse :
Narcisse est là, déjà métamorphosé ; quant à Echo, elle apparaît en miroir - tiens… - tenant elle-même un miroir - tiens, tiens… - et nous montre un visage aussi lisse que la surface d’un miroir - tiens, tiens, tiens…
En accompagnement, Marie H. Sirois cite un extrait de l’ouvrage d’Hélène Vial La métamorphose dans les Métamorphoses d’Ovide :
"(...) alors que les os deviennent pierre la voix d'Écho reste inchangée. Cette immuabilité est doublement miraculeuse, car elle représente le triomphe de la voix à la fois sur la disparition et sur la pétrification; n'y a-t-il pas dans cette image une définition du désir profond de tout poète, surtout lorsque son exigence de perfection prend sa source dans l'espoir d'atteindre, par son œuvre, à la vie éternelle ? Devenue invisible, dépouillée de ce corps de femme qui était sa prison, Écho, qui avait perdu la libre jouissance de sa propre parole et n'était pas parvenue à se faire entendre de celui qu'elle aimait, obtient finalement d'être entendue de tous et de confondre pour toujours son nom avec la part la plus inaliénable d'elle-même : ce son qui constitue, dorénavant, son seul corps. Est-ce vraiment le son qui vit en elle, comme l'écrit Ovide? N'est-ce pas plutôt elle qui, désormais, vit dans le son et même ne vit plus qu'en lui, le reste de sa personne s'étant aboli ou pétrifié ? À travers le trouble suscité par la formule finale, c'est l'équivalence du son et de la vie qui, par-delà le destin individuel d'Echo, se trouve affirmée. De l'humiliation et de la souffrance peuvent donc jaillir, par la métamorphose et le « retour à la sonorité pure », l'immortalité et la gloire."
Et, en accompagnement de l'accompagnement, un extrait de la version de la fable d’Ovide écrite par le poète
Ted Hughes. Les anglophones apprécieront :
The moment Echo saw Narcissus
She was in love. She followed him
Like a starving wolf
Following a stag too strong to be tackled.
And like a cat in winter at a fire
She could not edge close enough
To what singed her, and would burn her.
She almost burst
With longing to call out to him and somehow
Let him know what she felt.
But she had to wait
For some other to speak
So she could snatch their last words
With whatever sense they might lend her.
It so happened, Narcissus
Had strayed apart
From his companions.
He hallooed them: "Where are you?
I'm here." And Echo
Caught at the syllables as if they were precious:
"I'm here," she cried, "I'm here" and "I'm here" and
"I'm here."
Narcissus looked around wildly.
"I'll stay here," he shouted.
"You come to me." And "Come to me,"
Shouted Echo. "Come to me,
To me, to me, to me."
Narcissus stood baffled,
Whether to stay or go. He began to run,
Calling as he ran: "Stay there." But Echo
Cried back, weeping to utter it, "Stay there, Stay there, stay there, stay there."
Narcissus stopped and listened. Then, more quietly,
"Let's meet halfway. Come." And Echo
Eagerly repeated it: "Come."
But when she emerged from the undergrowth
Her expression pleading,
Her arms raised to embrace him,
Narcissus turned and ran.
"No," he cried, "no, I would sooner be dead Than let you touch me." Echo collapsed in sobs,
As her voice lurched among the mountains:
"Touch me, touch me, touch me, touch me."
Echo moped under the leaves.
Humiliated, she hid
In the deep woods. From that day
Like a hurt lynx, for her
Any cave was a good home.
But love was fixed in her body
Like a barbed arrow. There it festered
With his rejection. Sleeplessly
She brooded over the pain,
Wasting away as she suffered,
The petal of her beauty
Fading and shrivelling, falling from her—
Leaving her voice and bones.
Her bones, they say, turned
Into stone, sinking into the humus.
Her voice roamed off by itself,
Unseen in the forest, unseen
On the empty mountainside—
Though all could hear it
Living the only life left to Echo. »
Bonne lecture ! …ture ! …ture !
Enjoy ! ... joy ! ... joy !...