Le label 'Alpha' nous propose une triple version de la fable d'Ariane, enregistrée par la mezzo-soprano américaine Kate Lindsey. Elle est accompagnée par l'ensemble Arcangelo, dirigé par Jonathan Cohen.
Sont ici réunies trois partitions : Ebra d’amor fuggia, d'Alessandro Scarlatti, Ah! crudel, nel planto moi de Georg Friedrich Haendel, toutes deux datées de 1707, et la cantate Arianna a Naxos de Joseph Haydn (1789).
Bonne écoute !...
Mais, au fait, quelle est la version qu'Ovide proposait de cette fable ?
La voici, telle qu'elle peut se lire dans les Fastes (III, 459-516).
Bonne lecture !...
Le
crime de Thésée fit d’elle une déesse.
Elle
avait remplacé par Bacchus son époux parjure
—
L’ingrat qui reçut d’elle un fil à enrouler.
Heureuse
de son sort, « Que j’étais sotte de pleurer,
Dit-elle
; sa trahison a bien tourné pour moi. »
Pendant
ce temps Liber, qui avait vaincu les Indiens
Aux
cheveux lisses, rentrait riche d’Orient.
Parmi
de jeunes prisonnières à la belle allure,
Une
princesse était plus que chère à Bacchus.
Son
épouse aimante pleurait ; le long du creux rivage,
Elle
allait échevelée, en disant ces mots :
« Pour
la deuxième fois, flots, écoutez ces mêmes plaintes !
Pour
la deuxième fois, sable, absorbe mes larmes !
Je
disais, il m’en souvient : “ Traître, parjure Thésée ! ”
Il
s’éloigne et Bacchus commet le même crime.
Encore
aujourd’hui je crie : “ Femme, défie-toi des hommes ! ”
Si
les noms ont changé, l’affaire est bien la même.
Ah
! si ma destinée avait pu s’accomplir dès la
Première
fois ; si aujourd’hui je n’étais plus...
J’allais
mourir sur le sable désert ; pourquoi, Liber,
Me
sauvas-tu ? Mes maux auraient pris fin d’un coup.
Léger
Bacchus ! Plus léger que ce feuillage à tes tempes !
Toi
que je n’ai connu que pour verser des larmes,
Tu
as osé conduire sous mes yeux ta concubine
Et
mettre en péril un mariage si heureux ?
Ta
parole, tes serments renouvelés, où sont-ils ?
Hélas
! Combien de fois redirai-je ces mots ?
Tu
accusais Thésée ; toi-même le disais perfide.
Ce
jugement rend ta trahison plus honteuse.
Gardons
tout cela pour nous et brûlons d’un mal secret,
Qu’on
ne croie pas tant de trahisons méritées.
Je
souhaiterais avant tout que Thésée n’en sache rien,
Ne
puisse savourer de t’avoir pour complice.
La
blanche concubine a donc évincé la noiraude
Que
je suis : son teint, je le souhaite à mes rivales !
Mais
qu’importe ? C’est ce défaut qui te la rend plus chère !
Que
fais-tu ? Elle te salit quand tu l’embrasses.
Sois
fidèle, Bacchus, et n’en préfère aucune à mon
Amour
d’épouse. Toujours j’aimerai mon mari.
Les
cornes d’un beau taureau ont ravi ma mère ; moi,
Les
tiennes : à moi l’éloge, à elle l’infamie.
Mon
amour ne doit pas me nuire plus que ne t’a nui,
Bacchus,
l’aveu que tu nous a fait de ta flamme.
Quoi
d’étonnant si tu m’embrases ? Tu naquis dans le feu,
Dit-on,
fus arraché au feu par la main de
Ton
père. C’est à moi que, souvent, tu promettais le ciel.
Hélas
! En fait de ciel, quels dons ai-je reçus ! »
Elle
s’était tue ; depuis longtemps, Liber l’écoutait
Se
plaindre — il était derrière elle et la suivait.
Il
la prend dans ses bras, sèche ses pleurs sous ses baisers
Puis
dit : « Gagnons ensemble les hauteurs du ciel !
Tu
t’es unie à moi ; ton nom sera uni au mien
Car,
métamorphosée, tu seras Libéra.
Et
je ferai en sorte que tu aies un souvenir
De
la couronne offerte à Vénus par Vulcain,
Par
elle à toi ». Il tient parole et, des neuf gemmes, fait
Neuf
astres, feux dont brille la Couronne d’or.
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