Il fallait bien qu'un jour ou l'autre la route de Picasso croise celle d'Ovide... En ce bel été, c'est chose faite au musée Fabre de Montpellier, où est programmée jusqu'au 23 septembre une exposition consacrée à Picasso.
On y trouve, entre autres, un taureau en terre cuite qui pourrait tout à fait être le taureau de Crète, celui qui Neptune avait offert à Minos pour qu'il le lui sacrifie et dont s'était éprise Pasiphaé.
Taureau debout (1947-1948)
Terre de faïence blanche, décor rapporté et peint aux engobes et aux oxydes
Musée Picasso, Antibes
"Cette céramique zoomorphe associe la tradition de la céramique espagnole - le botijo de la région de Guadix près de Grenade - à celle de l'Antiquité. Elle rappelle les figures noires et rouges de la céramique athénienne que Picasso découvrit lors de ses multiples visites au Louvre. Picasso imagine des fantaisies qu'aucun potier n'ose réaliser à l'époque. Deux techniques sont employées ici : le corps de l'animal est tourné, le volume est constitué de deux formes de vases inversés tandis que le tête et les cornes sont modelées à la main. Ainsi, les formes opulentes de ce taureau contrastent avec la petite tête à l'expression apeurée, presque humaine."
On y trouve une Femme dans un fauteuil qui pourrait tout à fait être une" Daphné de la modernité" (j'emprunte la formule au cartel qui accompagne l'oeuvre...).
Femme dans un fauteuil (3-VII-1946)
Huile et gouache sur toile
Musée national Picasso, Paris
"Cette nouvelle variation sur le thème de Femme assise met en scène Françoise Gilot, la nouvelle compagne de Picasso.L'oeuvre s'inspire de la Femme-fleur réalisée deux mois avant : "Il y a en vous l'élan d'une plante au printemps et ne ne sais comment exprimer cette idée que vous appartenez au règne végétal" lui avait-il déclaré. Ici, la figure et l'espace sont simplifiés, rappelant certaines figures des vases grecs de style géométrique. Deux cercles - seins-feuillles - décorent le corps-tige. Les tons lilas et lavande du corps répondent au jaune bouton d'or et noir qui construisent l'espace et le fauteuil. Autour du visage, des formes ondulantes s'épanouissent comme autant de pétales encerclant un bouton de fleur, ils évoquent la métamorphose végétale subie par cette Daphné de la modernité."
Evidemment, tout ceci n'est pas explicitement ovidien, je vous l'accorde. Mais vous m'accorderez que ce qui suit l'est ...
Eh oui !... Picasso a illustré une édition des
Métamorphoses (Skira, Lausanne, 1931). En voici quelques bonnes pages...
Chute de Phaéton avec le char du soleil (20-IX-1930)
Eau-forte
Musée national Picasso, Paris
Lutte entre Térée et sa belle-soeur Philomèle (à plus proprement parler, il s'agit du viol de Philomèle par Térée)
Première planche
Eau-forte
Musée national Picasso, Paris
Lutte entre Térée et sa belle-soeur Philomèle (même remarque)
Deuxième planche
Eau-forte
Musée national Picasso, Paris
J'ai dans ma bibliothèque une édition des Métamorphoses illustrée par Picasso - dans une traduction de l'incontournable Georges Lafaye. Il ne s'agit malheureusement pas de l'édition originale, mais rien n'empêche qu'à l'occasion nous la feuilletions ensemble...